Le philosophe et économiste italien Riccardo Petrella est intervenu dans le Forum Social Mondial du Montréal pour exprimer sa vision décapante de notre société et de celle que nous pourrions connaitre si nous avons l’audace d’opérer quelques changements nécessaires. Par Patrick Vincienne, Amis de La Vie à Toulouse.
Ricardo Petrella fait trois constats radicaux pour aujourd’hui :
- Au sujet de la vie :
Les humains, dont la vie a depuis toujours été conditionnée par le milieu naturel, ont vu récemment leur rapport à la nature s’affaiblir au profit de l’emprise envahissante d’un monde virtuel et réducteur, piloté par la technologie et dont l’horizon est l’argent. L’homme se trouve alors instrumentalisé, au service du système, marchandisé comme ressource humaine, voire exclu. En 1980 fut admis de breveter le vivant. A Rio+20 fut décidé de monétariser la nature. Monsanto est devenu le Seigneur de la vie et le TAFTA va remplacer l’OMC. Aujourd’hui, des robots décident seuls et accomplissent 30% des transactions financières au millième de seconde. Ce système criminel produit des richesses en dehors de l’économie réelle où vivent les gens, et alimente les paradis fiscaux, refuge des trafiquants, des corrompus et des fraudeurs, etc.
- Au sujet de la terre :
La terre est le lieu principal de la vie. Personne n’y est clandestin, que ce soient les hommes ou les autres habitants de la terre. Elle est notre terre-mère à tous. Le pape François dans « Laudato si’ » rappelle que, étant de la seule espèce consciente de la vie des autres, nous en sommes responsables. Le propre de la vie est de se régénérer. Pourtant, grâce à la technique, Monsanto produit des semences non reproductibles, ce qui est un crime contre la vie, et lui assure de confortables profits. La course aux richesses provoque des inégalités, ce qui engendre des riches et des pauvres ainsi qu’un apartheid social. L’inégalité est le problème n°1.
- Au sujet de l’humanité :
L’ensemble des êtres humains n’a qu’une terre à habiter. Il n’a pourtant pas d’existence juridique ni politique en raison du principe de la souveraineté des états qui entraine un blocage du monde par incapacité de mener ensemble des actions communes. Dans le même temps, ces mêmes états confient leurs intérêts nationaux au domaine privé qui ne fonctionne que dans une perspective de gains financiers.
Il propose trois changements audacieux pour demain :
- Mettre la finance hors la loi.
La finance actuelle est un outil de criminalisation de la vie, ce système qui produit des richesses en dehors de l’économie réelle où vivent les gens, qui alimente les paradis fiscaux, refuge des trafiquants, des corrompus, des fraudeurs, etc. Quand les banques vacillent, il faut les sauver et c’est le contribuable qui paye. Nous sommes alors complices du système. On rappelle que les 62 personnes les plus riches ont ensemble un patrimoine équivalent à celui des 3.600.000.000 personnes les plus pauvres. La fortune de Bill Gates correspond à 1 million d’années de travail, ce qui est absurde et personne ne peut justifier cela.
- Déclarer illégale la pauvreté.
La pauvreté est conséquence de l’injustice. Il n’y a pas de fait naturel de la pauvreté, ce sont les pays riches injustes qui appauvrissent les gens du fait des inégalités. On rappelle que dans les sociétés plutôt justes, comme la Scandinavie dans les années 80, il n’y avait pas de pauvreté.
- Bannir la guerre.
Les guerres n’ont jamais rien résolu, y compris les problèmes qu’elle crée. On a régulièrement produit des armes pour pouvoir faire la guerre, mais aujourd’hui on fait des guerres pour pouvoir vendre des armes. Il est symptomatique que les cinq pays garants du système des Nations Unies sont ceux qui vendent le plus d’armes.