Par Bernard Huguies, ami de La Vie en Gironde.
L’arrivée du Covid-19 dans nos vies et dans notre système mondial nous a contraints à vivre un rythme différent pendant deux mois. Ce fut une opportunité, pour ceux d’entre nous qui étaient en bonne santé et dans des conditions de logement faciles, de réfléchir sur nos modes de vie, et sur la suite à donner au niveau personnel et au niveau interpersonnel : reprendre vite et intensément le même chemin, ou mettre cette circonstance à profit pour opérer un changement de cap ?
Qui suis-je ? Un retraité qui ne se résout pas à l’inutilité sociale, et qui pense qu’il doit/peut encore contribuer à la marche de la société, en gratitude de ce qu’il reçoit d’elle : pour avoir accompagné de nombreuses personnes et des groupes très divers dans plusieurs « provinces » de notre belle Planète, j’ai souhaité proposer une réflexion correspondant à ce que le Pape François a indiqué dans « Laudato Si » : un développement humain intégral, de tout l’humain et de tout humain. C’est à partir d’une vie professionnelle riche de ces rencontres et travaux partagés que je vous propose ce texte : non pas une proclamation bien équilibrée ni close, mais une taquinerie provocante à disposition de groupes qui réfléchissent et agissent « en service ».
Considérant qu’il est encore important, même après 70 ans, de rester en service en ayant conscience de notre fragilité (qui nous est rappelée tous les jours et sur tous les tons !), j’ai souhaité mettre par écrit quelques réflexions. Le jaillissement actuel de plusieurs propositions convergentes, issues de groupes et personnalités de divers horizons, montre aussi l’utilité de ce débat « politique » au sens du « souci de la cité » ; ces propositions ont des objectifs nobles, qui demandent à être regroupées pour exercer une pression efficace sur les décideurs politiques et économiques, afin de leur éviter de revenir vers un logiciel qui a démontré combien et comment il nous conduit à une impasse, tant au niveau local qu’au niveau mondial, et au niveau écologique comme au niveau sociétal.
Aujourd’hui, où nous sentons que la sortie de crise se profile à un horizon de quelques semaines, il apparait urgent de préparer un changement, une mutation dans les modes fondamentaux de pensée et d’action pour la gouvernance de nos sociétés, et ceci au plan local comme au plan global. Les suggestions rassemblées dans ce texte croisent plusieurs perspectives :
- A) Remettre la pyramide à l’endroit, redonner du sens à nos vies…
La première chose à retrouver est le sens de l’Humain, et de sa place sur la Planète, avec 2 dimensions absolument reliées : le plan personnel – pas celui d’un individu libre et déconnecté de son intériorité et des « pourquoi » (et hyper-connecté par la technologie aux « comment ») – mais celui d’une personne et de sa dignité ; et le plan relationnel, celui de la personne reliée aux autres Humains, et reconnectée à la Nature parce qu’en faisant partie intégrante. Plusieurs courants de pensée peuvent nous aider à retrouver et approfondir ces dimensions : le « Buen Vivir Juntos », comme appel à Vivre Dignes et Prendre soin ; les 4 ontologies et les 6 modes gradués de relation ; la Gouvernance des Biens Communs… Ce sont des contributions intéressantes pour nous aider à reconstruire un développement humain intégral !
Ceci passera aussi par une étape de clarification : retrouver le goût des mots authentiques, pas ceux du « communicationnel » distordant ! Durant cette période, nous avons pu mesurer, car nous étions « abreuvés », pour ne pas dire « saturés », d’informations : au milieu de ce flot, des éléments plus ou moins vrais ou utiles. Ceux-ci nous ont-ils aidés à comprendre et à réfléchir ? Un autre aspect de ce monde « communicationnel » a été aussi celui de la promotion de la relation intermédiée par la technologie : de bons et beaux outils, lorsqu’il s’agit d’instaurer des échanges respectueux et bienveillants entre Humains. Par contre, l’appellation de « Réseaux sociaux » me parait largement usurpée, et comme un témoin de la capacité de distorsion de la signification, dont fait preuve « le monde marchand et intrusif des technologies et firmes de communication », qui savent se rendre indispensables bien au-delà de l’utile, en nous noyant sous le futile !
- B) Sortir du duopole Marché ó Etat, qui exclut la majorité, réduite à n’être que des supplétifs, des soutiers…
Remettre la pyramide des priorités à l’endroit signifie reprendre le classement instauré depuis plusieurs décennies : la priorité, prise par le financier et l’économique sur le politique et les autres domaines, a montré sa réalité lorsqu’il s’est agi de répondre à la pandémie sur le registre sanitaire !
Sur quelle éthique partagée s’appuyer désormais pour que l’éthique inspire le politique, lequel doit prendre en considération l’écologique et le social, comme aussi le territorial, avant de décider ?
« Ceux qui pensent possible une croissance infinie dans un monde fini sont des fous… ou des économistes. » Nicolas GEORGESCU-ROENTGEN
Un autre aspect à considérer est la prédominance d’une « Economie informelle », qui est plutôt une « économie externalisée et précarisée », pour une majorité de personnes dans le Monde, chez nous comme ailleurs : une forme d’économie qui contribue par ses activités à la prospérité générale, mais dont les acteurs sont exclus des rétributions et sécurités justes, liées à leurs services rendus. La question soulevée des « inégalités » s’alimente à cette forme de mal-traitance, plutôt que de sous-traitance !
- C) Démocratie participative, pas formelle, ni dirigée… depuis la base, non depuis en-haut !
Nous avons la chance de vivre dans une Europe en paix depuis 70 ans ; mais nous avons aussi le devoir d’exiger que la construction de cette Europe ne soit pas réservée aux marchés et aux marchands. Cette exigence que nous devons manifester, et qui doit être prise en considération par les dirigeants, monte de la base, c’est-à-dire des nations et peuples qui composent cette Europe, et qui ont autant de légitimité que les puissants à orienter son destin, le leur aussi !
Cette exigence de démocratie participative s’exprime fréquemment ; elle est peu entendue, alors qu’elle n’a rien à voir avec du populisme ou de la petitesse d’esprit. Elle manifeste plutôt une grande et noble considération envers « le politique ». Elle s’appuie sur un tripode, constitué de 3 bases : les acteurs ou populations ; les territoires, espaces à co-gérer ; les ressources à partager. A partir de ce tripode, se dégagent des enjeux qui fondent le politique, et se diverses déclinaisons.
- D) Solitaires ou Solidaires, tel est le choix qui s’offre à nous !
«Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir ensemble comme des idiots!» Martin Luther KING. Cette phrase sonne particulièrement juste aujourd’hui en sortie de déconfinement, et de reprise des activités sociétales : saurons-nous la mettre en œuvre ?
Bernard HUGUIES, Saint-Laurent Médoc, mai 2020
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