Du 3 au 5 septembre, une vingtaine d’Amis de La Vie du groupe de l’Isère s’est retrouvée à l’abbaye d’Aiguebelle. Echanges et ressourcement.
L’abbaye cistercienne nichée dans son vallon au milieu des bois était inondée de lumière après le passage du mistral.
Accompagnés par le père Philippe Mouy, nous nous sommes attaqués au thème de réflexion choisi : « Place et rôle des femmes dans la société et dans l’Eglise ».
Le contexte particulier de la pandémie nous a permis au préalable de nous situer et de faire le point après la traversée du confinement et de la vague suivante du retour à une vie plus « normale ».
Les très nombreux apports, éléments d’éclairages et témoignages apportés dans le dossier constitué et tout au long de nos échanges par Philippe Mouy nous ont permis de balayer et de relire l’histoire de l’humanité comme celle des religions en constatant l’avènement et l’installation universelle implacable du patriarcat, ordre établi et stratifié.
Le constat est une sacralisation/absolutisation du pouvoir masculin, avec le cortège de violence, d’instrumentalisation et de harcèlement qui en découlent pour asseoir et perpétuer la domination des hommes.
Mais nous avons pu à l’opposé relire avec bonheur les premiers signes et témoignage du féminisme, et la difficile mais courageuse et obstinée avancée vers plus d’égalité et de parité, luttes isolées de femmes de lumière puis de mouvements sociaux de plus en plus organisés et puissants réclamant l’application des droits de l’homme aux « droits de la femme ».
En parallèle, nous avons questionné notre histoire religieuse judéo-chrétienne et affronté les grandes questions : Jésus juif fidèle et authentique se heurtant aux tenants de la religion juive où les règles strictes sont nombreuses (613 préceptes/obligations accumulés), Jésus et sa liberté de ton, d’abord et d’échange avec les femmes , la rigidification tendancielle du catholicisme dans une institution exclusivement masculine et « consanguine », son retard accumulé depuis des décennies par rapport au protestantisme et autres religions du livre sur l’accès des femmes à des responsabilités cultuelles et pastorales. Le pouvoir et la domination masculine se trouvent quasi idolâtrés en son sein sous l’espèce de la sacro-sainte “tradition”.
Nous avons déploré que les belles ouvertures vers les laïcs opérés par Vatican II (Lumen gentium replaçant après le Christ le Peuple de Dieu et son sacerdoce baptismal au 1er plan) aient été suivies de retours en arrière et de verrouillages successifs sous les pontificats de Jean-Paul II principalement, puis de Benoit XVI également.
A rebours de la glaciation institutionnelle présente de l’église, Les Amis de la Vie sont touchés et convaincus par l’action évangélique de notre pape François visionnaire (laudato si) et pasteur infatigable de la miséricorde et d’une église en sortie vers les plus fragiles et les exclus aux marges de notre société.
A sa suite, attentifs et fidèles à son enseignement nous croyons que l’Esprit souffle, partout ; il est présent, vivant et à l’œuvre, dans notre groupe primo, plein d’attentes et de désir, ou nous sommes retrouvé.e.s post-confinement avec bonheur et fraternité véritablement comme en famille grâce au dynamisme stimulant de Danièle, mais à bien plus grande échelle dans notre bonne vieille Eglise également ou comité de la jupe, conférence des baptisés et autres mouvements et courants appellent avec force à l’ouverture, au changement, à un aggiornamento véritable comme , depuis 50 ans sur l’élan de Vatican II !
Grâce supplémentaire : L’invitation par Danièle d’un des 11 moines encore sur le pont dans l’abbaye. Frère Mikael, dominicain au grand charisme questionné frontalement sur l’objet de notre session nous a très finement et pastoralement décentrés et décalés pour nous renvoyer aux fondamentaux chrétiens évangéliques conditionnant une bonne approche méthodologique du dossier : “Relisez la lettre Evangelii gaudium de François ; évitez toute dérive gnostique ou pélagianique ; cultivez un dialogue pétri d’humilité et d’authenticité, relisez, affrontez et assumez sans œillères votre passé psychologique pour être bien au clair dans votre vie personnelle et familiale, idem pour tout notre bagage de formation et d’enseignement religieux et théologique, nos engagements et notre foi”.
Alors nous serons prêts, libres ensemble pour définir notre vision de l’Eglise, une ecclésiologie au sein de laquelle femmes et hommes retrouvent l’égalité originelle de Genèse 1 ; l’Esprit saint interviendra en complément de notre intelligence, de notre volonté et de notre Amour.
Au final un constat qui parait accablant, tant la situation semble pétrifiée, ossifiée dans l’institution, malgré tous les efforts de réforme et d’assainissement entrepris par le pape François.
Des pistes sont identifiées, toutes s’appuyant sur la remise des laïcs sur le devant de la scène, soit à leur juste place en conformité avec les avancées de Vatican II (primauté du sacerdoce baptismal du peuple de Dieu après celui du Christ) ; des exemples sont cités : l’Allemagne, avec la grève des femmes agissant dans l’église pour produire une onde de choc lorsque le support actif principal de la vie communautaire se retire pour mettre le « collège masculin » seul face à son impuissance !
Au présent, le tour de table permet d’exprimer douleur, abattement, écœurement, découragement, désespoir, révolte, exaspération et impatience, etc. En fin de compte, ne serait-ce pas plus sain de quitter le navire au gouvernail bloqué qui va droit sur l’iceberg ? L’institution Eglise, piégée et fossilisée dans son dogmatisme impuissant face à la sacro-sainte Tradition, intouchable, gravée dans le marbre (œuvre de l’homme !) est-elle encore capable de s’auto réformer ? Le rapprochement avec les 613 lois et règlementations empilées du temps de Jésus par la Tradition juive n’incite pas vraiment à l’optimisme, et nous déplorons ensemble le retour en arrière actuel vécu dans nos paroisses, avec notamment l’essaimage massif et prépondérant vers des mouvements d’Eglise conservateurs parmi les nouveaux prêtres ordonnés : Clochettes, encens, ostensoirs, exclusion du féminin de toute approche de l’autel, cléricalisme et piétisme réactivés, etc !
Nous comprenons bien au vu de ce constat que les revendications féminines impatientes en Eglise n’évoquent aucun souhait de devenir « calife dans pareil califat », de s’inscrire dans pareil organigramme hiérarchique malsain et mortifère, mais seulement d’avoir part égale à la vie pastorale, animatrice et évangélisatrice du peuple de Dieu.
L’Esprit Saint ne nous abandonne pas, ni nous ni son Eglise, nous le croyons toutes et tous, qu’il nous aide à passer, comme le disait Gramsci « du pessimisme de l’intelligence à l’optimisme de la volonté !»
Pour notre petit groupe, une fois cette très riche rencontre terminée, il va nous falloir pragmatiquement trouver un premier levier local pour apporter notre humble contribution concrète pour participer à la construction nouvelle. Une connexion avec la Conférence des baptisés serait un premier pas en vue d’une action commune.
Pierre Baronnat, pour les Amis de La Vie de l’Isère