Au bord du Léman et au pied des Alpes, l’université des lecteurs 2023 à Evian a inspiré le récit suivant à Chantal Vinson, Amie de La Vie dans la Manche.
(Les Amis de La Vie dans la salle de conférence du VVF d’Evian-les-Bains. Dessin d’Eliott Guillon de Princé, rédaction éphémère 2023)
Pendant cette université d’Evian, le temps s’est arrêté pendant cinq jours ! Est-ce cela l’éternité ? Peut-être. J’ai été plongée dans la découverte du sens de la vie, de ma vie, dans ma propre recherche !
Le titre « Croire encore ? Aller à la rencontre de la quête spirituelle de nos contemporains » laissait présager un beau voyage. Je n’ai pas été déçue ! Ce parcours avec 300 engagés pour l’Université d’Evian avec les Amis de La Vie, a été comme une « course » en montagne. Non pas que je sois une championne dans la discipline, mais ce chemin a été à la fois une exploration personnelle en profondeur, et une découverte que cette recherche était partagée par d’autres – ceux qui acceptaient de se dévoiler, et ceux de la salle avec lesquels j’ai partagé, qui étaient présents de façon forte.
Mais quelle exploration ? Celle du sens qui alimente notre énergie, qui permet de se lever le matin : approfondir cette soif intérieure, et élargir notre horizon grâce aux autres, intervenants et participants, en écoutant, partageant, dialoguant, célébrant…
Des points lumineux qui ont balisé ma randonnée :
- Les témoignages profonds de quatre jeunes sur leur recherche spirituelle et les « révélations » qu’ils ont vécues. Un point commun à ces cheminements uniques : tous sont sortis de leur « zone de confort » pour chercher l’essentiel. J’ai compris que c’était le « prix à payer » pour trouver la plénitude.
- L’intervention de Jean-François Collange, pasteur et théologien protestant : dans le récit de la Genèse, qui relate de façon symbolique la création de l’homme et la femme, il nous fait explorer la relation entre Adam et Eve, des êtres faits pour parler, échanger. Il nous a partagé sa vision du « péché originel » : Adam parle à la place Eve, en lui imposant lui-même un nom, au lieu de lui demander « Comment t’appelles-tu, chérie ? Le péché originel, serait de parler à la place de l’autre, dans une attitude dominatrice. » Quel soulagement que cet éclairage, qui remplace avantageusement le poids du péché originel imposée à la femme, interprétation transmise par la « tradition » de l’Eglise catholique, et partagée par beaucoup !
- Pour Jean-François Collange, l’essentiel de la foi n’est pas que nous croyions en Dieu, c’est que Dieu croit en nous. « Ayez la foi de Dieu, qui croit en vous, et vous direz à cette montagne d’aller se planter dans la mer, et elle ira ! ».
- Gabriel Ringlet, prêtre, philosophe, théologien, est venu me bouleverser avec son intervention « Notre besoin de rites, un terrain de dialogue ». Moi qui considérais les rites comme quelque chose de pesant (celui de la messe est « figé »), il nous a témoigné de son expérience que « spirituel et rituel étaient liés ». « Le spirituel est une qualité de présence qui donne souffle à nos existences. (…) Une souffrance doit être accueillie dans un rite, quel que soit le choix éthique (avortement, euthanasie…). Célébrer, c’est écouter la demande de quelqu’un qui souffre et refuser de laisser les choses en l’état, ressaisir la situation autrement » (…) « Le rite est un soin, médical, psychologique, spirituel ». Chaque rite est unique, il est à élaborer avec la personne qui le demande… « La ritualité ouverte s’adresse au désir de vie et de sens » (Christoph Theobald) Un nouveau monde s’est ouvert devant nous !
- Toute la journée de mercredi, me voilà plongée dans l’univers des psaumes, avec un groupe guidé par Rose Bacot, artiste, musicienne et conteuse, qui nous avait embarqués la veille au soir dans son univers de création musicale et spirituelle grâce à sa clarinette basse. Pendant la journée de mercredi, nous avons commencé à découvrir un psaume, à travers tous les canaux de nos sensations, en dehors des mots : la musique de la clarinette de Rose, nos images, nos paysages intérieurs, avec des couleurs, des parfums qui habitent notre imaginaire. C’est seulement après cette exploration intérieure de tous nos sens, que nous avons eu accès aux mots de ce psaume, dans une quinzaine de traductions différentes, avant de le « traduire » avec nos propres mots et de le partager aux autres personnes du groupe. Quel magnifique voyage !
- Dernier éclairage, en bouquet final, la célébration de la fin de notre université. Guidés par Chahina Baret, qui nous a bouleversés par son témoignage de « Musulmane, disciple du Christ », nous avons créé un rite pour rassembler ce que nous avons vécu pendant toute la semaine, et le vivre tous ensemble. Gabriel Ringlet a déjà fait des émules ! A travers l’Evangile des disciples d’Emmaüs, une croix construite avec deux branches de bois flotté, et des feuillages d’automne comme « décor », nous avons fait mémoire de notre parcours avec nos lourdeurs, nos colères et nos découragements concernant l’Eglise…
- Et peu à peu, nous avons évoqué des signes d’espérance à décrypter dans les événements, lueurs de vie et de joie, piochés dans les témoignages de la semaine et la belle célébration du jeudi soir, faite de dialogues d’Evangile, de chants et de danses. Nous avons pu repartir en emportant le parfum d’une huile parfumée, non pas « comme avant » (comme le disait le chant), mais plus légers, sûrs que le souffle de l’Esprit nous porte pour construire un monde où nous pouvons partager plus de vérité, de fraternité, de souffle, avec nos familles, nos voisins, et ceux que nous rencontrons, et recevoir d’eux des messages et des actes admirables, même s’ils ne partagent pas la même « foi » !
- La fête offerte à Dominique pour tout ce qu’elle a donné aux Amis de La Vie – orchestrée par Philippe et réalisée par tous – a été un vrai « feu d’artifice » d’émotion et de joie ! Merci Dominique !
- Pour finir, une parole que j’ai emportée dans les trains qui me ramenaient à mon domicile, et ailleurs : c’est celle du sociologue Jean-François Barbier Bouvet, qui fut entre autres directeur des études du groupe La Vie- Le Monde. Il nous a présenté la « sphère catholique » de façon magistrale. J’en retiens une image qui me correspond : « L’Eglise, c’est un tuyau rouillé qui capte l’eau de la montagne et la transporte jusqu’à la vallée, malgré les fuites ! ». Car c’est bien grâce à cette Eglise à laquelle j’appartiens et qui me met souvent en colère, que j’ai découvert le trésor de la Bible qui me nourrit, qui reste ma boussole, et grâce à laquelle j’ose « croire encore ».
- Chantal Vinson