Evian 2023 : écouter ou réécouter les conférences

Evian 2023 : écouter ou réécouter les conférences

Les principales conférences proposées à l’université des Amis de La Vie à Evian ont été enregistrées. Bonne écoute !

Lundi 23 octobre 2023

Conférence : Chacun cherche son sens. Une approche sociologique, par Jean-François Barbier Bouvet, sociologue, auteur de « Les nouveaux aventuriers de la spiritualité : enquête sur une soif d’aujourd’hui » (Médiaspaul).

Conférence « Nous ne savons rien de Dieu : d’un savoir non critique à une ignorance critique », par Bénédicte Lemmelijn, professeur d’Ancien Testament et doyenne de la facuté de théologie et d’études religieuses de l’Université catholique néerlandophone de Louvain (Leuven), membre de la commission biblique pontificale, auteure de « Que croire encore ? La réponse d’une bibliste » (Editions Jésuites, 2023)

Mardi 24 octobre 2023

Conférence : La condition humaine traversée par le croire,  par Jean-François Collange, pasteur et théologien protestant, auteur de « Croire : incroyance, foi et religion au XXIe siècle » (Ed. Olivetan, 2022)
Échange avec Jean-François Collange

Conférence : Notre besoin de rites : un terrain de dialogue. Par Gabriel Ringlet, prêtre, écrivain et théologien, fondateur de l’école des rites et de la célébration, à Malèves-Sainte-Marie (Belgique). Dernier livre paru : « La blessure et la grâce » (Albin Michel, 2023).

Échange avec Gabriel Ringlet

Mercredi 25 octobre

Témoignage de Chahina Baret, autour de son livre « Musulmane, disciple du Christ »( Ed. Fidélité 2022)

Échange avec Chahina Baret

Jeudi 26 octobre 2023

Table ronde : Féminisme dans l’Eglise catholique : une génération renouvelle le genre. Table ronde avec Mathilde Hallot-Charmasson, cofondatrice de l’association Des femmes et un Dieu, Monique Baujard, théologienne, Anne Guillard, docteure en théologie et en théorie politique, chercheuse à Oxford, Lucie Sharkey, psychologue clinicienne, toutes deux co-autrices de Dieu.e. Christianisme, sexualité et féminisme et cofondatrices de la plateforme catholique et féministe Oh My Goddess !

Échange après la table ronde

Conférence : Pratiquants ?  Non-pratiquants ? Par Valérie Le Chevalier, théologienne, responsable du parcours Croire et comprendre au Centre Sèvres (Paris), auteure de Ces catholiques qui ne pratiquent pas assez. Quelle place dans l’Église ?  (Ed. Lessus, 2020)

Discussion avec Valérie Le Chevalier

Vendredi 27 octobre 2023

Une relecture de la semaine, par Jean-Philippe Pierron, professeur de philosophie à l’université de Bourgogne. Dernier livre paru Méditer comme une montagne. Exercice d’attention à la terre et à ceux qui l’habitent (Éditions de l’Atelier).

Evian 2023 : un parcours comme une course en montagne

Au bord du Léman et au pied des Alpes, l’université des lecteurs 2023 à Evian a inspiré le récit suivant à Chantal Vinson, Amie de La Vie dans la Manche.

(Les Amis de La Vie dans la salle de conférence du VVF d’Evian-les-Bains. Dessin d’Eliott Guillon de Princé, rédaction éphémère 2023)

Pendant cette université d’Evian, le temps s’est arrêté pendant cinq jours ! Est-ce cela l’éternité ? Peut-être. J’ai été plongée dans la découverte du sens de la vie, de ma vie, dans ma propre recherche !

Le titre « Croire encore ? Aller à la rencontre de la quête spirituelle de nos contemporains » laissait présager un beau voyage. Je n’ai pas été déçue ! Ce parcours avec 300 engagés pour l’Université d’Evian avec les Amis de La Vie, a été comme une « course » en montagne. Non pas que je sois une championne dans la discipline, mais ce chemin a été à la fois une exploration personnelle en profondeur, et une découverte que cette recherche était partagée par d’autres – ceux qui acceptaient de se dévoiler, et ceux de la salle avec lesquels j’ai partagé, qui étaient présents de façon forte.

Mais quelle exploration ? Celle du sens qui alimente notre énergie, qui permet de se lever le matin : approfondir cette soif intérieure, et élargir notre horizon grâce aux autres, intervenants et participants, en écoutant, partageant, dialoguant, célébrant…

Des points lumineux qui ont balisé ma randonnée :

  • Les témoignages profonds de quatre jeunes sur leur recherche spirituelle et les « révélations » qu’ils ont vécues. Un point commun à ces cheminements uniques : tous sont sortis de leur « zone de confort » pour chercher l’essentiel. J’ai compris que c’était le « prix à payer » pour trouver la plénitude.
  • L’intervention de Jean-François Collange, pasteur et théologien protestant : dans le récit de la Genèse, qui relate de façon symbolique la création de l’homme et la femme, il nous fait explorer la relation entre Adam et Eve, des êtres faits pour parler, échanger. Il nous a partagé sa vision du « péché originel » : Adam parle à la place Eve, en lui imposant lui-même un nom, au lieu de lui demander « Comment t’appelles-tu, chérie ? Le péché originel, serait de parler à la place de l’autre, dans une attitude dominatrice. » Quel soulagement que cet éclairage, qui remplace avantageusement le poids du péché originel imposée à la femme, interprétation transmise par la « tradition » de l’Eglise catholique, et partagée par beaucoup ! 
  • Pour Jean-François Collange, l’essentiel de la foi n’est pas que nous croyions en Dieu, c’est que Dieu croit en nous. « Ayez la foi de Dieu, qui croit en vous, et vous direz à cette montagne d’aller se planter dans la mer, et elle ira ! ».
  • Gabriel Ringlet, prêtre, philosophe, théologien,  est venu me bouleverser avec  son intervention « Notre besoin de rites, un terrain de dialogue ». Moi qui considérais les rites comme quelque chose de pesant (celui de la messe est « figé »), il nous a témoigné de son expérience que « spirituel et rituel étaient liés ». « Le spirituel est une qualité de présence qui donne souffle à nos existences. (…) Une souffrance doit être accueillie dans un rite, quel que soit le choix éthique (avortement, euthanasie…). Célébrer, c’est écouter la demande de quelqu’un qui souffre et refuser de laisser les choses en l’état, ressaisir la situation autrement » (…) « Le rite est un soin, médical, psychologique, spirituel ». Chaque rite est unique, il est à élaborer avec la personne qui le demande… « La ritualité ouverte s’adresse au désir de vie et de sens »  (Christoph Theobald) Un nouveau monde s’est ouvert devant nous !
  • Toute la journée de mercredi, me voilà plongée dans l’univers des psaumes, avec un groupe guidé par Rose Bacot, artiste, musicienne et conteuse, qui nous avait embarqués la veille au soir dans son univers de création musicale et spirituelle grâce à sa clarinette basse. Pendant la journée de mercredi, nous avons commencé à découvrir un psaume, à travers tous les canaux de nos sensations, en dehors des mots : la musique de la clarinette de Rose, nos images, nos paysages intérieurs, avec des couleurs, des parfums qui habitent notre imaginaire. C’est seulement après cette exploration intérieure de tous nos sens, que nous avons eu accès aux mots de ce psaume, dans une quinzaine de traductions différentes, avant de le « traduire » avec nos propres mots et de le partager aux autres personnes du groupe. Quel magnifique voyage !
  • Dernier éclairage, en bouquet final, la célébration de la fin de notre université. Guidés par Chahina Baret, qui nous a bouleversés par son témoignage de « Musulmane, disciple du Christ », nous avons créé un rite pour rassembler ce que nous avons vécu pendant toute la semaine, et le vivre tous ensemble. Gabriel Ringlet a déjà fait des émules ! A travers l’Evangile des disciples d’Emmaüs, une croix construite avec deux branches de bois flotté, et des feuillages d’automne comme « décor », nous avons fait mémoire de notre parcours avec nos lourdeurs, nos colères et nos découragements concernant l’Eglise…
  • Et peu à peu, nous avons évoqué des signes d’espérance à décrypter dans les événements, lueurs de vie et de joie, piochés dans les témoignages de la semaine et  la belle célébration du jeudi soir, faite de dialogues d’Evangile, de chants et de danses. Nous avons pu repartir en emportant le parfum d’une huile parfumée, non pas « comme avant » (comme le disait le chant), mais plus légers, sûrs que le souffle de l’Esprit nous porte pour construire un monde où nous pouvons partager plus de vérité, de fraternité, de souffle, avec nos familles, nos voisins, et ceux que nous rencontrons, et recevoir d’eux des messages et des actes admirables, même s’ils ne partagent pas la même « foi » !
  • La fête offerte à Dominique pour tout ce qu’elle a donné aux Amis de La Vie – orchestrée par Philippe et réalisée par tous –  a été un vrai « feu d’artifice » d’émotion et de joie ! Merci Dominique !
  • Pour finir, une parole que j’ai emportée dans les trains qui me ramenaient à mon domicile, et ailleurs : c’est celle du sociologue Jean-François Barbier Bouvet, qui fut entre autres directeur des études du groupe La Vie- Le Monde. Il nous a présenté la « sphère catholique » de façon magistrale. J’en retiens une image qui me correspond : « L’Eglise, c’est un tuyau rouillé qui capte l’eau de la montagne et la transporte jusqu’à la vallée, malgré les fuites ! ». Car c’est bien grâce à cette Eglise à laquelle j’appartiens et qui me met souvent en colère, que j’ai découvert le trésor de la Bible qui me nourrit,  qui reste ma boussole, et grâce à laquelle j’ose « croire encore ».
  • Chantal Vinson

Retour d’Évian : Solène à ses trois enfants

Solène Chardronnet a participé à l’université des Amis de La Vie à Evian du 22 au 27 octobre 2023. Elle a mis noir sur blanc ce qu’elle souhaitait partager avec ses deux filles et son fils qui ont une vingtaine d’années.

(Le lac Léman vue d’Evian-les-Bains, illustration d’Eliott Guillon de Princé, rédaction éphémère 2023)

Cette université est l’œuvre de l’association des amis de La Vie qui regroupe des lecteurs de l’hebdomadaire d’actualité La Vie. Chaque année, elle organise cinq jours de réflexion sur un thème de société. Philosophes, biblistes, théologiens, sociologues, scientifiques, témoins anonymes s’y succèdent pour partager leurs savoirs, lancer un débat, susciter un questionnement, partager leurs expériences. C’est un lieu d’échange, de recherche personnelle et de ressourcement pour les 300 participants présents.

Cette année, le thème était « Croire encore ? À la rencontre de la quête spirituelle de nos contemporains ».

J’ai eu envie de mettre par écrit ce que j’ai entendu, compris, vécu ces derniers jours à Évian, pour plusieurs raisons : d’abord pour garder en mémoire les mots entendus et les interrogations qu’elles ont suscitées en moi. Pour m’obliger aussi à rassembler mes idées et à me les approprier encore plus. Enfin, pour être plus à même d’en parler avec vous, car ce n’est jamais simple de mettre des mots sur une expérience, encore plus quand elle touche à l’intimité : la foi.

Alors que vous étiez petits, Sarah, Nestor et Fanny, je vous ai transmis des paroles, des valeurs, des rites qui faisaient sens pour moi et qui vous parlaient de ma relation à cet autre, indéfinissable que j’appelle Dieu et qui m’invite à un dépassement. Aujourd’hui, c’est de votre propre chef que vous tracez votre route sur le chemin de l’existence. Et au gré des rencontres, que j’espère belles et fructueuses, vous avancerez, vous ferez des choix, vous tenterez une réponse aux grandes questions de la Vie. Du guide, je deviens témoin. Alors, après 6 jours riches, voici quelques-unes des réflexions qui m’ont interpellée, en guise de témoignage.

L’Église, institution, a trop donné à croire qu’elle sait. Or Dieu, on ne peut pas le connaître.

La Bible ne donne pas de définition de Dieu. La Bible est comme une ancienne bibliothèque pleine de sagesse qui compile des histoires de vie et traite des grandes questions existentielles nous rappelle Bénédicte Lemmejlin, théologienne et doyenne de la Faculté de Théologie de l’université de Louvain (Belgique). La Bible parle d’une relation à Dieu. Et la foi est l’expérience d’une présence. Une expérience très personnelle pour moi, difficile à expliquer, mais bien réelle. La théologienne conclue ainsi : nous devons passer d’un savoir non critique à une savante ignorance. Perspective intéressante.

Jésus ne dit pas ta foi en Dieu t’a sauvé mais « ta foi t’a sauvé ». Cet éclairage pointé par Jean-François Collange, pasteur, est pour moi très libérateur. Car il interroge « le croire » de chaque homme. « Ta foi t’a sauvé » : ton humanité la plus profonde t’a sauvé.

Car croire est à la base de l’existence humaine : croire que…, croire en…, croire envers et contre tout. Pour moi, ce mot a une force folle. Croire c’est se projeter vers l’avenir, au-delà de l’évidence, de la certitude, c’est oser une création imaginaire, c’est faire un pari, c’est apprivoiser l’incertitude, c’est faire confiance. Tout le monde a de la foi. La religion, elle, s’enracine dans l’absolu (comme l’amour et l’espérance), mais peut aussi tomber dans le fondamentalisme. Soyons vigilants.

Le rite est un soin. Cette phrase de Gabriel Ringlet, prêtre et théologien, résonne fortement en moi. Alors même que j’ai le sentiment parfois de m’éloigner des rites. Peut-être pour les réinterroger, les faire miens. Le rite apporte de la légèreté dans la gravité pour raconter une histoire. Célébrer un rite n’est pas réservé aux croyants. Célébrer c’est avec de l’ici, faire de l’au-delà.  C’est donner à l’humanité plus d’humanité. Et étrange paradoxe, alors que les églises sont désertées, la demande de rituels n’a jamais été aussi importante. J’interroge : quel rite avons-nous chacun et ensemble ?

Le pouvoir n’est pas nommé dans l’église. On parle de service. Or il y a des abus de pouvoir (dans la représentation de la femme dans les textes, dans l’institution, dans l’ingérence dans nos vies…) Et il n’existe pas de contre-pouvoir. Mathilde Hallot-Charmasson, historienne, Anne Guillard, docteure en théologie et théorie politique, et Lucy Sharkey, psychologue clinicienne, toutes trois jeunes écoféministes (moyenne d’âge 32 ans !), nous invitent à sortir de cette logique de la domination (de la part de l’Église et de la société capitaliste) qui opprime la nature et les femmes, pour entrer dans une logique de symbiose, de puissance (être avec) par opposition à pouvoir. Quelle représentation de Dieu.e ai-je ?

Jésus nous demande d’être témoin.  C’est tout ! Ce rappel de la part de Valérie Le Chevalier, théologienne au Centre Sèvres, rejoint ma conviction : trop souvent les systèmes (rites, sacrements, doctrine…) mis en place nous détournent de l’essentiel : être témoin, transmettre. Mais que transmettre ? Que Jésus vient questionner chacun sur son désir profond « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » (Luc, 18, 41). Comme l’explique Jean-Philippe Pierron, professeur de philosophie, nous devons protéger nos soifs, ne pas réduire nos désirs (ce qui peut combler nos aspirations profondes) à nos envies.

Et comment transmettre ? En veillant à ne pas enfermer nos paroles dans du définitif. Nous devons maintenir des trous dans la langue, dit-il en faisant le parallèle avec l’hébreu, cette langue faite de consonnes qui laisse place à l’interprétation. Sans cesse, inventer des signes qui fassent signe.

Voici quelques réflexions, issues des propos des intervenants, que j’ai fait miennes. Ces 6 jours d’écoute et d’échange ont été une respiration. 

Solène Chardronnet