Faut-il changer la loi sur la fin de vie ? Telle était la question posée le mardi 9 octobre 2018 devant un public de plusieurs centaines de personnes, à la Roche-sur-Yon à l’invitation du groupe de Vendée des Amis de La Vie.
Amphithéâtre Réaumur, mardi 9 octobre, le groupe de lecteurs vendéens des Amis de la Vie proposait un nouveau rendez-vous : une conférence du docteur Yannick Dano, médecin en soins palliatifs à la Roche sur Yon. Thérèse Besse et André Leroy ont introduit le conférencier qui a déroulé son intervention sur fond de diapos en appui de son propos à titre professionnel, comme à titre personnel. Nous sommes tous concernés, à un moment ou l’autre, par la question de la fin de vie. La mort n’est pas nécessairement liée à une maladie. « On meurt parce qu’on est né, disait le philosophe ancien Sénèque ». Une question citoyenne. Comment finir sa vie de façon apaisée sans souffrance, ni désirée, ni souhaitable ?
Alors qu’il avait 14 ans le conférencier avait été marqué par le décès d’un grand-père très aimé, souffrant d’un cancer et sur lequel on avait pratiqué une injection qui a précipité son décès. D’où la vocation du jeune Yannick qui exerce dans le service des soins palliatifs depuis une vingtaine d’années.
En 2018 où meurt-on en France ? 60 % des décès ont lieu à l’hôpital, 13, 5 % en EHPAD ou structures similaires et 26 % au domicile. On meurt « mieux » depuis 30 ans. Les progrès sont récents, avec la prise en compte de la qualité de fin de vie et des droits des malades, une meilleure formation des personnels de santé, le traitement de la douleur, la multiplication des ressources et structures avec des équipes mobiles de soins palliatifs. Sait-on suffisamment que la loi autorise à un salarié 3 mois de congé sans solde pour assistance à un proche ?
Dans un contexte de surhospitalisation et de surmédicalisation, les soins palliatifs cherchent à soulager l’inconfort du malade et de ses proches. Un projet de soins est d’abord au service d’un projet de vie, en apaisant la souffrance. On meurt mieux, mais on meurt encore mal.
La loi évolue :
1999 Droit à l’accès aux soins palliatifs. (Kouchner)
2002 Droits des malades et qualité du système de santé. (Kouchner)
2005 Droits des malades et qualité du système de santé et à la fin de vie (Léonetti)
2016 Nouveaux droits pour les malades et personnes en fin de vie (Claeys Léonetti)
Que propose-t-elle au 2 février 2016 ? Article 1 : « Toute personne a le droit d’avoir une fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance. Les professionnels de santé mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour que ce droit soit respecté.” Selon le rapport IGAS 2018, la loi offre une réponse adaptée à la prise en charge de l’immense majorité des parcours de fin de vie et son appropriation progressive sur le terrain. « Docteur, faites-moi une piqure. Aidez-moi à mourir ». Entre l’acharnement thérapeutique et l’euthanasie légalisée sous certaines conditions comme en Belgique et en Suisse il y a la sédation profonde, légale en France selon la loi Léonetti, confirmée par le Conseil Consultatif National d’Ethique en septembre 2018. La sédation profonde et continue plonge le patient dans un sommeil profond dont on sait qu’il ne se réveillera pas, à la différence d’un coma artificiel provoqué à l’issue d’un accident corporel grave. La demande de mort est une demande de vivre autrement. Donner au médecin le droit de faire mourir, ce serait transgresser l’interdit fondamental de tuer et engendrer une perte de confiance généralisée. Il faut lutter contre les abus, abus de la part des soignants par exemple quand ils exigent qu’un malade se lève au prix de plus grandes souffrances, abus de la famille qui cache la vérité au malade, abus du patient qui exige un retour à domicile, au prix d’une charge insupportable pour qui le reçoit
Alors faut-il changer la loi ? L’ADMD (Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité) le demande, au nom de 69 000 adhérents, pour une légalisation de l’euthanasie, quand une autre personne fait le geste, et du suicide assisté quand la personne fait elle-même le geste. Selon un sondage publié par le quotidien La Croix, ce serait le souhait de 89 % des français. Un sondage en direction de personnes avancées en âge, aurait-il des résultats identiques ? Plutôt que de changer cette loi Léonetti, la faire mieux connaître, l’améliorer par des implications concrètes :
– Inviter la presse et les journalistes à venir voir la réalité des soins palliatifs.
– Former les étudiants en médecine en leur facilitant des stages en des unités de soins palliatifs.
– Honorer ce que font les soignants.
– Créer dans les EHPADs des places d’hébergement temporaire pour fin de vie.
– Encadrer la sédation à domicile.
De plus, toute personne majeure peut rédiger des Directives Anticipées (DA) pour le cas où elle serait un jour hors d’état d’exprimer sa volonté. Ces DA expriment la volonté de la personne relative à sa fin de vie en ce qui concerne les conditions de la poursuite, de la limitation, de l’arrêt ou du refus de traitements et d’actes médicaux.
Elles sont révisables et révocables à tout moment. Elles peuvent être rédigées selon un modèle dont le contenu est fixé par décret en Conseil d’État pris après avis de la Haute Autorité de Santé. Ce modèle prévoit la situation de la personne selon qu’elle se sait ou non atteinte d’une affection grave au moment où elle rédige de telles directives. Les DA sont contraignantes pour le médecin, pour toute décision d’investigation, d’intervention ou de traitement, sauf en cas d’urgence vitale pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation. Si les DA apparaissent manifestement inappropriées, le médecin, pour se délier de l’obligation de les respecter, doit consulter au moins un confrère, motiver sa décision, l’inscrire dans le dossier médical et en informer la personne de confiance ou à défaut la famille ou les proches. L’accessibilité aux DA est facilitée par une mention inscrite sur la carte vitale.
Les Directives Anticipées ne sont utilisées que lorsque la personne n’est pas en état d’exprimer sa volonté. Si la personne est en capacité de s’exprimer, elle doit être consultée et donner ou refuser son consentement aux traitements proposés par le médecin. C’est la parole de la personne concernée qui prévaut sur toute autre information.
Enfin toute personne majeure peut désigner une personne de confiance (parent, proche, médecin) qui sera consultée au cas où elle ne serait pas en état d’exprimer elle-même sa volonté.
La personne de confiance témoigne de l’expression de la volonté de la personne qui est hors d’état de s’exprimer. Son témoignage prévaut sur tout autre témoignage.
La désignation doit se faire par écrit et être cosignée par la personne de confiance.
La désignation de la personne de confiance est révisable et révocable à tout moment.
La personne de confiance est très utile si le patient le souhaite pour :
– l’accompagner dans ses démarches, assister à ses entretiens médicaux et éventuellement l’aider à prendre des décisions,
– faire part des décisions de la personne dans le cas où son état de santé ne lui permettrait pas de donner son avis.
La personne de confiance ne peut pas obtenir communication du dossier médical du patient sans son autorisation.
Entre deux exposés, longs et documentés, le conférencier avait pu répondre aux nombreuses questions qui sont remontées de la salle. Pour juger d’un progrès annoncé, selon lui, il convient de se poser la question : Ce progrès rend-il plus humain ou moins humain ?
En conclusion, cette remarque du Conseil National d’Ethique : « La culture palliatique ne devrait pas être réservée aux derniers temps de vie, mais proposée dès l’annonce d’une maladie grave ou incurable, et renforcée, voire dispensée au domicile des patients ».