L’absence de dialogue comme péché originel ? Jean-François Collange relit la Genèse

Mardi 24 octobre 2023, le théologien protestant et universitaire Jean François Collange donnait une conférence à l’université des Amis de La Vie et, à cette occasion, a partagé sa lecture originale du chapitre 2 de la Genèse.

Péché originel, Jean Brueghel le Jeune (1601-1678), c. 1640, Milan Pinacoteca Ambrosiana © Jean-Louis Mazieres – Creative Commons

par Hannah Marie

Théologien de renom, Jean-François Collange a présenté aux lecteurs de La Vie son ouvrage « Croire : incroyance, foi et religion au XXIe siècle » (Ed. Olivetan, 2022). Après un développement sur la qualité universelle du croire, de la foi et de la confiance, il a conclu la conférence en exposant son interprétation du deuxième chapitre de la Genèse. Et si la racine du péché originel était de ne pas parler avec autrui, mais à sa place ?

Cet ancien pasteur nous invite à redécouvrir le sens du péché originel. Lors de la création d’Eve telle que racontée dans la Genèse, Adam (ou « Ish » en hébreu) chante les louanges de cette nouvelle compagne. Il nomme alors « Isha », celle qui en fait porte le nom de « Chaya », « la vie ». L’homme ne s’adresse pas à la femme, mais parle « sur elle », projetant sa propre image sur Eve. Au lieu de lui demander « qui elle est », il déclare que celle-ci « est os de mes os et chair de ma chair » (Genèse 2, 18-24) et lui impose l’appellation « tirée de Ish ».

Des réponses pour le monde contemporain

« L’homme ne laissant pas place au dialogue, il permet à la figure du serpent, le mal personnifié, d’initier un échange avec Eve et de la persuader de goûter au fruit défendu » explique le théologien. Cette lecture remet donc en question l’explication traditionnelle du texte sacré, selon laquelle la figure de la femme est diabolisée, portant la culpabilité du péché interdit.

Et s’il fallait voir au-delà de l’interprétation première, pour redécouvrir les textes sacrés ? Pour Jean-François Collange, « un texte n’est sacré que dans la mesure où il nous parle », c’est-à-dire qu’il apporte des réponses à notre monde contemporain. « Les guerres en Ukraine ou entre Israël et le Hamas ne sont-elles pas le fruit d’acteurs qui n’arrivent pas à s’écouter et à se parler ? » interroge-t-il.

La reconnaissance d’une culpabilité partagée entre Adam et Eve

L’interprétation originale de la Genèse de Jean-François Collange apporte de nouvelles pistes de réflexion aux croyants et ouvre notamment sur les évolutions du dialogue interreligieux. « C’est vraiment bien qu’il dise ça, Eve est présentée comme fautive depuis des siècles » confie Martine, lectrice de la Vie. Chrétienne, elle est correspondante d’un groupe de questionnement de la foi dans le Val d’Oise. Pour elle qui ne se reconnait pas dans les formes proposées par la religion catholique, cette lecture de Jean-François Collange est « révolutionnaire ». « Depuis des siècles, l’Eglise catholique est dominée par les hommes, les femmes passent en second » affirme-t-elle. La reconnaissance de la culpabilité partagée entre Adam et Eve dans le péché originel remet en cause le rapport de force entre les deux sexes.

Ne pas parler « sur autrui» mais « avec l’autre », comme remède aux maux humains.

Un article de Hannah Marie