Religion et jeunesse : une rupture inévitable ?

Face au recul de la croyance chez les jeunes, démontré dans les sondages, le lien entre la religion et les nouvelles générations se complexifie. Qu’en pensent les participants de la 21eme université des Amis de La Vie ?

© Eliott Guillon de Princé

par Juliette L’Hermitte (texte) et Eliott Guillon de Princé (dessin)

La foi religieuse recule en France : c’est le constat posé par un sondage d’Ifop-Fiducial en avril 2023. 56% des personnes interrogées répondent « non » à la question « vous, personnellement, croyez-vous en Dieu ? ». C’est chez les jeunes âgés de 18 à 24 ans que cette foi est la plus faible, avec 64% de sondés qui répondent négativement à la question.

Lors de cette 21ème université des Amis de La Vie, ce décalage croissant ne manque pas d’interpeller les participants. Au détour de conversations, une dame nous questionne : « Est ce que vous, les jeunes, vous nous voyez comme des ringards accrochés à la religion ? ». A l’envie de lui répondre « non » s’ajoute une réflexion : comment l’ancienne génération perçoit-elle la croyance chez les jeunes ? Chantal, grand mère granvillaise de onze petits enfants, reconnaît que « nos enfants ne voient plus le sens d’aller à l’Église ». Avant d’assurer, immédiatement : « Cette réticence des jeunes et leur éloignement de la religion, je les comprends totalement ».

Une Église inaudible auprès des jeunes ?

Parmi les raisons souvent avancées : la vie moderne serait en décalage avec l’Église actuelle. Le monde se modifie et la croyance aussi. Les jeunes générations sont plus aptes à se ressourcer autrement. « La spiritualité et la nature sont des nouvelles manières de se retrouver » reconnaît Chantal. « Pourquoi souhaites-tu travailler dans la santé ? » a-t-elle un jour demandé à l’une de ses petites filles, en études de médecine et non croyante. Celle-ci lui a alors répondu : « parce que je veux être utile, parce qu’à ce moment là, je me sens vivante ». Au delà de la foi, les valeurs portées par la religion semblent donc résonner. Chantal en est persuadée : « C’est une sorte de spiritualité, de rencontre à l’autre et de soi-même ».

Les mœurs évoluent : en 1970, près de 80 % des enfants d’une génération en France étaient baptisés, c’est moins de 50% actuellement. Marie Françoise, participante à l’université, confirme cette statistique. Sur ses neuf petits enfants, seulement deux sont baptisés. « L’Église emploie des mots qu’ils ne comprennent pas » : selon elle, il faudrait que l’institution arrive à adapter son langage pour être audible auprès des plus jeunes. L’approche de la religion est différente dans la nouvelle génération. Les parents obligent de moins à moins leurs enfants à aller à la messe, à se faire baptiser, à se marier religieusement. « Il est primordial d’écouter les jeunes et de ne pas les obliger » admet Marie Françoise. « Aujourd’hui, on se rend compte qu’il n’y a pas un seul chemin alors qu’à mon époque on nous forçait à suivre le chemin de l’Église » reconnait-elle.

Eduquer, ne pas braquer

Il faut tout de même souligner des exceptions à cette tendance : de nombreux jeunes ont la foi et la cultivent. Comme les six enfants de Florence, qui suivent un chemin chrétien. Sa cadette de 19 ans se marie religieusement dans quelques mois. « Il faut leur poser des questions, aller chercher au fond d’eux-mêmes ». Pour Marie Françoise, qui soutient le fait d’accompagner les jeunes, il ne faut pas « braquer » mais plutôt « éduquer » aux questions religieuses, afin que la religion soit transmise au fil des générations.

Un article de Juliette L’Hermitte