Un vaccin anti désespoir en 2021 !

Guy Aurenche en propose un : contempler, un moment dans chaque journée, la vie qui s’épanouit autour de nous.

« Papily, toi qui es un peu vieux, qu’est-ce que tu attends pour l’année prochaine ?».

En pleine période de fêtes et de vœux, cette question posée affectueusement par  l’une de nos petites filles, m’a fait beaucoup de bien. Un tout jeune être, au cœur de la morosité, de l’incertitude et de l’angoisse, me reconnaissait capable d’attendre et d’être en appétit. Péguy nous avertit : « Il y a quelque chose de pire que d’avoir une âme perverse. C’est d’avoir une âme habituée ».

Danger, habitudes !

 Plus que jamais prenons le risque d’inventer, en accueillant la Bonne Nouvelle et en trouvant les « mots » pour la partager.

L’année 2021  prolongeant l’incertitude menaçante de la pandémie et de la grave crise sociale, va-t-elle assécher notre envie d’avenir ? L’espérance en prend un coup.

Noël et la fête de la Bonne nouvelle que nous venons de célébrer devraient nous mettre en route, sinon comme « les mages venus d’Orient », mais comme des sourciers cherchant un point d’eau, une aurore. Quels vœux pouvons-nous échanger, sérieusement et honnêtement ? Comment LES AMIS DE LA VIE  peuvent-ils assumer le service de la confiance qui fait tant défaut à notre société française et à notre Église ?

Une fleur qui pousse

L’année 2021, verra-t-elle la création d’un vaccin contre le désespoir ?

Je vous en propose un : contempler, un moment dans chaque journée, la vie qui s’épanouit autour de nous. Rien à voir avec l’optimisme souvent blessant ou incompréhensible pour ceux qui peinent. Rien à voir avec les discours sur le monde d’après que tant de savants prétendent inventer. Je propose la simple observation des signes qui annoncent l’aurore de la vie bonne, lorsqu’il fait encore nuit.

En 1996, participant à Montréal à une rencontre de soutien à la population meurtrie par le génocide au Rwanda, une femme vint témoigner des drames qu’elle avait vécus. Elle et sa jeune fille de six ans, étaient les seules survivantes d’une famille de huit personnes.

Alphonsine termina son intervention en racontant qu’ « avec la petite Rosalie nous étions errantes dans les rues de Batanga : tout y était détruit. Rosalie muette comme moi-même, me prit la main en disant : « Maman, regarde une fleur pousse à travers les pierres. » Une aurore s’annonçait.

Aux balcons du quartier

Tout récemment plusieurs femmes d’une cité de notre quartier,  bavardaient de balcons à balcons, -distance oblige-. Que faire pour les parents ne pouvant plus travailler et connaissant des problèmes de ravitaillement ? Chacune fit des propositions : partager des  aliments et quelques économies, organiser une collecte plus globale. Depuis ce balcon, la solidarité a fleuri et l’espérance pouvait renaître.

Les greniers de l’espoir

À Tokombéré, dans le nord du Cameroun menacé par les terroristes de Boko Haram, les familles ont engrangé la récolte. Elle n’a pas été mauvaise. Chacun des villages a pu mettre de côté une bonne quantité de mil qui sera conservée dans les greniers de l’espoir :  deux petites cases en terre dans lesquels personne ne peut rentrer sauf le chef de village pour puiser, en cas de famine, un peu de graines salvatrices. Ensemble, en partageant, on peut prendre le risque du lendemain.

Changer le monde

Il vient de fêter ses 84 ans et a l’audace de nous inviter : « Viens, parlons, osons rêver » (1). Comme la petite fille rwandaise, les paysans du Cameroun, où le peuple juif en marche dans le désert, le pape François ne rêve pas. Il affirme qu’un vrai rêve est celui qui transformera peu à peu le monde. Il n’a pas perdu la tête. Il sait, parce qu’il a accueilli la Bonne nouvelle de l’amour, que le matin peut se lever. À condition que dans notre cœur et dans notre société nous lui laissions un peu de place. Pendant le combat contre le racisme aux États-Unis, le pasteur Martin Luther King confiait aux communautés chrétiennes : l’heure de minuit est une heure menaçante. Et le  rôle des communautés chrétiennes est de dire que l’heure de minuit est une heure qui passe et de montrer par leur comportement que le matin vient.

Sans même attendre ma réponse à la question qu’elle me posait, ma petite-fille me prit par la main. « Papily raconte-moi une histoire, une histoire dans ta tête. » L’aurore  d’un enfant exprime la confiance et la créativité. Le matin est déjà là !

Guy Aurenche, ancien président des Amis de La Vie , de l’ACAT et du CCFD-Terre solidaire

Dernier livre paru : Un temps pour changer, Ed. Flammarion. Paris 2020