Détente et sensations fortes : l’expérience du hammam

Les Amis de La Vie ont pu découvrir pendant l’Université d’été le hammam, ancré dans la vie quotidienne des Marocains. Quatre journalistes de la rédaction éphémère les ont accompagnés. Récit croisé.

Du plus chic au plus populaire, il y a toutes sortes de hammams publics au Maroc (à gauche, celui de la mosquée de Casablanca, à droite, un autre plus populaire, dans la même ville)

Ce récit croise les voix des jeunes journalistes Aloïs et Lisa d’un côté, ainsi que Guillaume et Ilies de l’autre, pour montrer toute la réalité du hammam, côté femmes et côté hommes.

Rendez-vous nous a été donné au cœur de la médina de Rabat, l’âme historique de la ville. Mais le souk, sa cacophonie et ses explosions d’odeurs et de couleurs vives, paraît déjà loin lorsque notre groupe est entraîné dans une rue perpendiculaire, vide et silencieuse. Arrivés à une porte discrète, il nous faut toquer trois coups rapprochés, puis un autre plus sonore, pour que nos hôtes nous ouvrent. Nous sommes alors accueillis chaleureusement par Houda et Khadija, qui nous font entrer dans leur salon garni de grands canapés. La fraîcheur de la pièce contraste avec la chaleur étouffante de l’extérieur, grâce aux murs blancs, au sol carrelé et au plafond ouvert par endroits sur le ciel. La maîtresse de maison nous propose du lait, des dattes et des pâtisseries. Hommes et femmes sont ensuite séparés.

Les femmes ressortent à l’extérieur et sont amenées dans un dédale infini de ruelles désertes. Nous passons une petite porte discrète, sans indication apparente. Et pourtant, nous voici au hammam ! La vapeur et la chaleur nous enveloppent dès notre entrée, et après quelques regards interrogateurs, nous entreprenons de nous dévêtir entièrement. Une femme voilée distribue des seaux et du savon noir, sans gêne aucune devant notre nudité. Ici, la pudeur n’existe plus, et le corps de chacune est respecté. On nous indique la différence de température entre les trois salles. Un couloir traverse chaque pièce, où des femmes se font masser, gommer, ou se passent de l’eau sur le corps. Assises sur le carrelage blanc et bleu de la dernière salle, nous pouvons alors nous laisser envahir par la vapeur. Toutes les morphologies sont représentées et les générations se confondent : certaines femmes viennent même en famille. Dans toutes les salles, les conversations vont bon train et le hammam semble être l’équivalent du café ou du salon de thé pour les femmes qui viennent y passer une heure ou deux.

Les hommes ont quant à eux pris un autre chemin…

Notre hammam, contrairement à celui des filles, se situe en dehors de la médina. L’occasion de retraverser ce lieu mythique, pour arriver devant un bâtiment quelconque, à peine distinguable des autres. Lorsqu’on y pénètre, la première pièce se révèle être une sorte de vestiaire public, semblable à celui d’une piscine. Tout est public, car le hammam est une expérience collective. Que l’on vienne seul, avec des amis ou en famille, comme cela se fait beaucoup au Maroc, quel que soit son âge ou son statut social, le hammam est ouvert à tous pour une somme modeste.

Le hammam est séparé en trois pièces, de la plus tiède à la plus chaude. Les paliers de températures sont importants et nous avons bien du mal à trouver un équilibre de respiration. Une fois assis, c’est le moment de se calmer. L’homme qui nous accompagne ramène de l’eau tiède et du shampoing pour pouvoir mousser et nous nettoyer un peu. Mais ce n’est que le début… Le voilà qui revient pour nous gratter la peau à l’aide d’un gant et nous poncer afin d’enlever la peau morte. Impressionnant… On se sent un peu sale et honteux. A ce stade, les expériences vécues sont toutefois bien différentes. Si Ilies a l’impression de vivre un voyage en enfer, trouvant insupportable d’être frotté de partout en public, Guillaume est en pleine détente et relaxation. Et ça n’est pas la troisième salle – la plus chaude – qui va arranger les choses…

Les habitués se relaxent et se laissent masser : la plupart ont d’ailleurs leur masseur attitré depuis des années. Tous ceux avec qui nous discuterons à la sortie nous confirmeront la même chose : contrairement au hammam féminin, aussi pensé comme un lieu de conversation, celui des hommes est d’abord dédié à la quiétude et au repos.

Pendant ce temps, les femmes expérimentent aussi le massage et le nettoyage de la peau…

Nous sommes appelées chacune notre tour dans la salle suivante pour passer au gommage. Une femme s’empare de gants de crin et nous fait allonger au sol afin d’exfolier toute notre peau. Chaque centimètre carré y passe. Le gommage dure une vingtaine de minutes pendant lesquelles nous oscillons entre douleur et sensations de bien-être. Nous entrons ensuite dans une autre salle où des femmes nous lavent le corps et les cheveux, et nous rincent à coups de grands seaux d’eau chaude sur la tête. Après cela, il faut réussir à se relever et à marcher tout en ayant l’impression d’être passées sous un camion (ou d’avoir fondu, selon le ressenti de chacune).
Nous nous rhabillons tant bien que mal, vidées d’énergie, et nous retrouvons les hommes chez Houda.

Séance de henné (© Ilies Sidlakhdar)

La famille qui nous avait accueilli au début de l’aventure nous offre une collation, accompagnée de l’incontournable thé à la menthe. Celles et ceux qui le souhaitent peuvent aussi se faire orner de henné. Une jolie fin pour une expérience unique et enrichissante, de l’avis de toutes et tous. Enfin presque… Car pour Ilies, si le hammam avait pu se limiter à prendre le goûter et bavarder avec Houda et Khadija, cela n’aurait pas été plus mal…

Un récit de Aloïs Aguettant, Lisa Giroldini, Guillaume Bellenoue et Ilies Sidlakhdar.