5 idées reçues sur les migrations

En rebond de la conférence des socio-anthropologues Sylvie Bredeloup et Sophie Bava à l’Université d’été, retour sur quelques idées reçues liées aux migrations.

1. « L’Afrique envahit l’Europe »

L’idée reçue

Les migrations mondiales ont triplé en quarante ans. A partir de ce chiffre avéré, les théories se multiplient (parlant souvent de « grand remplacement »), avec comme horizon une Europe « submergée ».

Ce qu’il en est réellement

Selon les chiffres du laboratoire international Movida (dont Sophie Bava, présente à l’Université d’été, est membre du comité de direction), les migrants internationaux ne représenteraient que 3,2% de la population mondiale. Sur ces 3,2%, 70% relèvent d’une migration intra-africaine. Il est donc loin le cliché des Africains qui envahissent l’Europe ou la France. Sur près de 9 millions de migrants ouest-africains recensés, 2/3 circulent à l’intérieur de l’Afrique de l’Ouest et ¼ en Europe et Amérique du Nord selon le rapport sur les migrations publié par les Nations Unies en 2015.

2. « Les migrants voyagent surtout par la mer »

L’idée reçue

On représente souvent des migrants entassés sur des embarcations de fortune, avec en filigrane l’idée que les migrations se font essentiellement d’un continent à l’autre.

Ce qu’il en est réellement

La majorité voyagent en bus et d’après Movida, « les migrants se déplacent majoritairement sur le continent en autocars modernes et confortables, partant à heures fixes, et proposant des services efficients et compétitifs. » Du fait des 70% de la migration intra-africaine, le premier mode de transport en Afrique est logiquement l’autobus.

3. « Les migrants sont analphabètes »

L’idée reçue

Les migrants ne savent pas parler la langue du pays d’immigration, ne savent ni lire ni écrire et n’ont pas de diplômes.

Ce qu’il en est réellement

D’après le rapport de l’OCDE du 5 juin 2019, plus de 60% des Africains s’installant dans les pays de l’OCDE ont au moins un niveau de deuxième cycle du secondaire (lycée), dont la moitié sont diplômés de l’enseignement supérieur. Le niveau d’éducation supérieur est passé de 24% en 2001 à 30% en 2016. Des pays comme la Somalie, le Rwanda, le Maroc ou encore la République du Congo connaissent des taux d’émigrations important de leurs diplômés. La Sierra Leone dépasse elle les 20%.

« La migration offre des formes d’apprentissage qui complètent la scolarisation » précise le site du laboratoire Movida.

4. « Les migrants sont tous des hommes »

L’idée reçue

Dans des sociétés où les hommes doivent subvenir aux besoins de la famille, ce sont eux qui prennent la route vers les pays européens pour s’y installer.

Ce qu’il en est réellement

On observe une féminisation de la migration. Ça n’est pas une nouveauté mais les femmes ont souvent été éclipsées des études sur les mouvements de population. Par exemple, lors du génocide rwandais, celles qui fuyaient vers les pays limitrophes en compagnie de leur mari n’étaient pas comptabilisées par les statisticiens. D’après l’International Migration Report, en 2017, 48% des migrants étaient des migrantes. Elles sont même plus nombreuses que les migrants masculins en Europe, Amérique du Nord ou latine, Océanie ou dans les Caraïbes. Le but du voyage a également changé : si auparavant il s’agissait souvent de suivre le conjoint, il est maintenant surtout question d’étudier ou de travailler.

5. « La migration est un problème économique »

L’idée reçue

Les migrants vont venir occuper les emplois des populations locales et augmenter le taux de chômage, tout en appauvrissant leur pays d’origine.

Ce qu’il en est réellement

Selon la Banque mondiale, après avoir émigré vers un pays avancé, les migrants des pays les plus pauvres ont multiplié par quinze leurs revenus, doublé leur taux de scolarisation et divisé par seize le taux de mortalité. 446 milliards de dollars (76% des envois de fonds) ont pour destination des pays en développement en 2017, soit le triple de l’aide publique au développement de la même année. Le fait de migrer a certes un poids économique pour les pays quittés. Mais c’est aussi un avantage pour les pays d’arrivée car les immigrés exercent des « emplois essentiels allant de leur participation aux avancées technologiques de la Silicon Valley à la construction de gratte-ciels au Moyen – Orient » souligne la Banque mondiale.

Pour en savoir plus :

  • le site du Laboratoire Mixte International de recherche MOVIDA (Mobilités, Voyages, Innovations et Dynamiques dans les Afriques méditerranéenne et subsaharienne) https://movida.hypotheses.org/
  • le site Migrations en questions, porté par l’association Res Publica et l’ONG European Migration Law. http://www.migrationsenquestions.fr/
  • le site InfoMigrants, partenariat entre France Médias Monde (France24, RFI, MCD), la chaîne allemande d’information internationale Deutsche Welle, et l’agence de presse italienne ANSA. Il est co-financé avec l’Union Européenne. https://www.infomigrants.net/fr/

Texte : Marine Degreef