Les anciens de Porto Alegre 2002 se sont retrouvés dans les Monts du Lyonnais

Les Amis de La Vie avaient envoyé une première délégation à un Forum social mondial (FSM) en 2002 à Porto Alegre. Depuis, plus de 25 participants, devenus des amis, n’ont cessé de se retrouver à intervalles réguliers. Ce fut encore le cas cette année. Au programme : amitié et… géopolitique.

Les anciens de Porto Alegre en plein travail

Rendez-vous était donné les 19 et 20 mars à Pomeys, à la Maison d’accueil mariste de la Neylière dans les Monts du Lyonnais. Le côté convivial toujours très présent lors de nos retrouvailles, nous saisissons l’occasion pour faire le point de la situation politique et religieuse des pays d’Amérique latine. Nous avons bénéficié cette année encore des compétences de René Valette, géographe et économiste, ancien président du CCFD-Terre solidaire et des Amis de La Vie, et d’Alain Durand, dominicain, prieur du Couvent de la Tourette, ancien directeur de Dial (Diffusion de l’information sur l’Amérique latine), tous les deux fins connaisseurs de ces régions du monde. Paul Malartre, actuel Président des Amis de La Vie, et Geneviève, son épouse, nous ont rejoints lundi. Nous avons pris le temps également de rendre hommage à nos amis disparus depuis notre dernière rencontre de 2014 : Paul Jamet de l’Ardèche, Francis Gély de Paris, François Doppler de la Loire, sans oublier le Frère Henri Burin des Rosiers, dominicain, dont nous avions pu apprécier tout le travail et la présence auprès des paysans sans terre lors d’une soirée avec lui et Xavier Plassat en 2002 au Brésil. Un chœur d’une douzaine d’hommes « les Farlots » de Chazelles-sur-Lyon a animé la soirée avec leurs chants en français et en patois, faisant revivre ainsi la vie d’antan dans les Monts du Lyonnais. Le lendemain matin, à l’intérieur même de ce centre d’accueil de La Neylière, nous avons pu visiter avec grand intérêt le musée d’Océanie, invitation à découvrir les coutumes, les cultures, les modes de vie des peuples de ces îles lointaines.

La situation en Amérique latine

Les uns et les autres ont posé de nombreuses questions :

  • Où en est-on sur le plan des droits ?
  • Où en est la démocratie participative ?
  • Que penser des échanges commerciaux ?
  • Quelle évolution pour les paysans sans terre ?
  • La situation des enfants au Brésil ?
  • Quel est l’impact de la politique de Donald Trump dans ces régions en particulier au Guatemala et au Mexique ?
  • Les espoirs de paix en Colombie ?
  • La corruption ?
  • L’Eglise en Amérique latine ? La théologie de la libération ?

René et Alain ont répondu en brossant un tableau peu optimiste de cette région du monde. Reprenant les travaux d’Olivier Compagnon, directeur de l’Institut des hautes études de l’Amérique latine, René explique que les politiques au Brésil ou au Venezuela n’ont pas toujours été des politiques de gauche. Ni Lula, ni Chavez n’ont remis en cause le capitalisme. Ce qu’a fait Chavez pour la politique sociale basée sur le pétrole a été une erreur. Le président Maduro paye le fait que Chavez a laissé le pays en pleine crise. Au Brésil, Lula s’est peu préoccupé de la réforme agraire et des paysans sans terre. Il faut d’abord se libérer de la tutelle américaine pour pouvoir faire une réforme agraire. On ne peut pas se permettre d’être toujours endettés. Peut-être fallait-il d’abord accepter les grandes exploitations… Lula est-il parti trop vite ? Compromis et compromission sont très proches. Dilma Rousseff a été condamnée pour corruption, remplacée par Michel Temer, tout aussi corrompu, mais qui tient grâce à la distribution d’argent (scandale Petrobras). En Argentine, Cristina Kirchner, ex présidente de gauche, a été incapable de faire évoluer les choses. C’est un président de droite Mauricio Macri qui sera élu en 2015. Il y a un virage à droite un peu partout.

  • Au Chili, le conservateur Sebastian Pinera, un milliardaire, a remporté l’élection présidentielle en décembre dernier et succeda en mars à la socialiste Michelle Bachelet.
  • En Equateur, Lenin Moreno, qui a été son vice-président de 2007 à 2013, est devenu depuis sa prise de fonction le plus sévère critique de M. Correa qu’il accuse d’avoir gaspillé la manne pétrolière et d’avoir dirigé un gouvernement corrompu. Il est moins à gauche que Correa.
  • Au Paraguay, Fernando Lugo a été éliminé par pure magouille et destitué en un après-midi ! La droite domine largement avec l’actuel président Horacio Cartès.
  • Au Pérou, Pedro Pablo Kuczynski (PPK), très à droite, vient de démissionner pour corruption.
  • Au Salvador, Salvador Sanchez Ceren résiste. Mais il règne dans le pays une extrême violence (les maras, gangs armés qui sèment la terreur).
  • En Bolivie, Evo Morales tient le coup mais pour combien de temps ?
  • Au Nicaragua : José Mujica prend en compte les situations sociales.
  • En Colombie : c’est plutôt le processus de paix qui est plus important que les questions de droite ou de gauche. Le président Juan Manuel Santos, a obtenu le prix Nobel de la paix pour avoir signé en 2016 un accord de paix avec la grande guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC, extrême gauche). Tout n’est pas réglé mais il y a quand même la paix après plus de 50 ans de guérilla.

Sur les accords commerciaux régionaux et bilatéraux (Mercosur), c’est un peu le problème du pot de terre contre le pot de fer. Il y a un rapport de force inégal. Cela ne va bien sûr pas dans l’intérêt des petits producteurs.

Les Eglises en Amérique latine

La pratique religieuse est en baisse un peu partout. Au Brésil, les Eglises évangéliques (Pentecôtistes) se développent dans un contexte qui n’est pas du tout le nôtre. On change assez facilement d’Eglise. Il n’y a pas d’appartenance radicale. Cela bouscule l’équilibre des religions du pays et pose un redoutable défi à l’Eglise catholique. Se développe une théologie de la prospérité : « si vous faites telle ou telle chose bien, Dieu vous récompensera et vous donnera de l’argent… ». Courant très néolibéral. Il y a une montée des fondamentalismes (chrétien, musulman, hindou et bouddhiste). La page de la théologie de la libération n’est pas tournée, même si elle n’a jamais été très en vogue. On parle plutôt de théologie du peuple ; ce n’est pas la même chose. Les clercs soutiennent totalement le pape François.

Marité Koenig