Au Forum Mondial Théologie et Libération à Montréal, Françoise Klenschi et Françoise Devaux ont été bouleversées par “Voix du silence”, une pièce de théâtre conçue à partir de témoignages de rescapés ou de descendants d’enfants autochtones confiés à des pensionnats chrétiens entre 1880 et 1990. Elles racontent.
Nous sommes venus de très loin à la rencontre de nos frères et sœurs convaincus « qu’un autre monde est nécessaire, et qu’ensemble il est possible ». Mais ce sont d’abord les Québéquois qui nous accueillent dans cette grande ville de Montréal construite sur un territoire « non cédé » appartenant à une communauté autochtone les Mohawk, où la langue et de nombreux lieux-dits nous rappellent Paris (Quartier latin, champ de mars, rue St Denis…).
Nous savions que les peuples autochtones (les indiens d’Amérique) longtemps opprimés par la colonisation, avaient obtenu au niveau international la reconnaissance de leurs droits et auraient une place importance dans le FSM. Aussi n’avons-nous pas été surpris de leur participation à la journée d’accueil, le lundi 8 août avec le Forum Mondial théologie et libération (FMTL) qui avait lieu au collège Saint-Jean de Brébeuf où nous étions logés.
La méditation d’ouverture conduite par un Ancien du peuple Mohawk, puis les interventions de personnalités autochtones (notamment un évêque anglican !) nous ont donné un aperçu de la richesse de leur culture et de leur spiritualité. La journée s’est terminée par un spectacle beau et émouvant, notre coup de cœur : « Voix du silence ».
“Il fallait les arracher à leur famille, à leur culture, à leur langue”
Conçue et interprétée par des membres de la communauté Mohawk et des comédiens franco-canadiens, cette pièce de théâtre est réalisée à partir de témoignages de rescapés ou de descendants d’enfants confiés à des pensionnats chrétiens entre 1880 et 1990. Il fallait les arracher à leur famille, à leur culture, à leur langue – considérées comme inférieures – les isoler pour les assimiler, les occidentaliser et les convertir « extirper l’indien chez l’enfant » ! 150 000 enfants ont ainsi subi des violences physiques, psychologiques, sexuelles et 3 400 en sont morts. Les témoignages présentés dans la pièce sont extraits de la commission « Vérité et réconciliation sur les pensionnats indiens » entérinée par le Canada en 2015.
Le spectacle est appuyé sur des symboles pour remettre les faits dans un cadre plus large et poser la question : “Qu’est-ce qui fait qu’on en est arrivé là ?” Aux extraits de récits s’entremêlent avec beaucoup de grâce et de subtilité des objets symboliques tels marionnettes, cordes, tambours, avec un accompagnement de musique et de chants. Il se termine par un court extrait des excuses – récentes – présentées par le gouvernement du Canada.
“L’occasion de montrer l’importance du travail de restitution de la parole.”
On ne peut guérir sans raconter. Ce spectacle est le résultat de longs mois de travail et d’apprentissage du « vivre ensemble » et c’est pour en témoigner que l’équipe propose un débat à la fin avec les spectateurs. L’occasion de montrer l’importance du travail de restitution de la parole. Au cours du débat une femme autochtone dira : “Je sentais une rupture entre nous et à l’intérieur de nous“. La marionnettiste canadienne d’origine française a su montrer l’importance de l’art comme lieu d’expression et de rencontre entre personnes de cultures différentes.
Plus de 3000 personnes ont vu ce spectacle avec toujours la même admiration mais il doit s’arrêter faute de crédits. Les deux dernières présentations furent données au collège Brébeuf lors de cette semaine de FSM. Nous avons retrouvé deux des actrices du spectacle lors de divers ateliers du FSM, Nicole O’Bomsawin, antropologue et conteuse à Odanak (près de Montréal) ainsi que Geneviève Collard et ses parents venus danser lors de la dernière représentation.
Les indiens d’Amérique dont la spiritualité est centrée sur le respect de la terre-mère furent très écoutés lors de ce premier FSM faisant suite à la COP 21, essentiellement tourné vers les préoccupations écologiques. Le destin qu’ils ont connu lors de la colonisation n’annonçait-il pas celui de l’humanité actuelle qui assiste impuissante à la destruction de son environnement ?
Françoise Devaux, Amie de La Vie dans le Val d’Oise
Françoise Klenschi, Amie de La Vie à Strasbourg