Robi et Bushra : se connaître pour renouer des liens

Une centaine de personnes ont assisté le 15 octobre à l’église Saint Merri, à Paris, à la conférence de Robi Damelin et Bushra Awad. Ces deux femmes, la première israélienne, la seconde palestinienne, ont toutes les deus perdu un fils dans le conflit qui oppose les deux peuples.

12120196_10153630485913490_6543593035176617386_oLes deux mères racontent ce qu’elles décrivent comme un foudroiement. David, 28 ans, officier de réserve, proche du camp de la paix, a été tué par un sniper palestinien. Mahmoud, 17 ans, par une balle d’un soldat israélien, lors d’une manifestation. « Qu’est-ce que je maintenant faire de ma vie ? » s’est demandée Robi. J’ai voulu assez vite commémorer son nom et tout faire pour que d’autres familles ne connaissent pas cela ». « J’avais l’impression de ne plus avoir rien dans la vie, se souvient Bushra. Je me suis isolée, les rapports avec ma famille se sont détériorés. Cela a duré trois ans. »

Les femmes se sont pourtant retrouvées grâce au « Cercle des parents », une association créée par des familles ayant perdu des enfants, dans les deux camps. Non sans difficultés : un juif religieux a mis du temps à convaincre Robi à venir à une réunion. Invitée par un voisine, Bushra a commencé par refuser de recontrer, chez elle, une femme israélienne – c’était Robi. Chacune a raconté la mort de leur fils, et elles ont pleuré ensemble… Robi a pu écrire à la famille de l’homme qui a tué son fil, qui venait d’être arrêté, pour expliquer son combat. « Quand j’ai écrit la lettre, j’ai cessé d’être une victime, affirme-t-elle.

unnamed« Voir et comprendre que des mères palestiniennes partagent la même peine, ce fut un catalyseur extraordinaire, analyse Robi . Comme porte-parole de l’association, j’ai commencé à voyager partout dans le monde. Avec des moments étonnants comme en Californie, à la fin d’un concert de rock, où j’ai parlé devant 60 000 jeunes qui m’ont écouté en silence. J’ai été reçu aussi au Capitole, à la Chambre des Lords en Grande-Bretagne ». Le matin même de la conférence à Paris, en octobre, les deux mères ont été reçu pendant une demi-heure par le président François Hollande, à l’Elysée.

Les avancées ? Elles se réalisent à tout petits pas. Parce que, expliquent les deux femmes, il existe une coupure complète entre les deux peuples depuis la seconde Intifada. Les personnes ne se recontrent plus. Ce que les Israéliens savent des Palestiniens vient de la télévision. Les élèves des écoles palestiniennes ne recontrent que des Israéliens en uniforme ! Le Cercle des parents organisent donc des rencontres entre des jeunes de 16-17 ans, dans les écoles. C’est un choc d’entendre parler « l’autre », qui vous ressemble. L’association veut aussi organiser des colonies de vacances avec des jeunes des deux communautés.

Sur le fond, sur l’origine de la violence, Robi l’Israélienne est très critique vis-à-vis de ses dirigeants politiques. « Ils gagnent les élections en jouant sur la peur. Benjamin Netanyahu martèle sans cesse que nous risquons d’être écrasés par les Iraniens. Et rien ne changera tant qu’Israël ne sortira pas des territoires occupés. »

Gérard Desmedt

Anne Guion, journaliste à La Vie, a raconté leur histoire dans un livre « Nos larmes ont la même couleur », Ed. du Cherche-Midi

La rencontre a fait l’objet d’un reportage sur LCI