La question des Français sur l’héritage provoque tout de suite une discussion entre les Tunisiens visiblement pas d’accord entre eux. Les Tunisiennes ne prennent pas la parole tout de suite. L’une d‘elle intervient à propos de l’injustice concernant l’héritage (en aparté elle raconte que ses parents possédaient une très belle propriété mais qu’ils étaient sept enfants dont cinq garçons et que ceux-ci se sont partagés le fruit de la vente de la maison mais que sa sœur et elle n’ont rien eu . Il s’en suit une discussion entre les hommes sur les préceptes du Coran. Le désaccord des femmes est palpable mais discret. Il a fallu l’intervention de Chantal pour changer de sujet.
Nous leur retournons la question qui nous est adressée ” Pourquoi la révolution tunisienne ?” C’est clair, dit une Tunisienne : “pour se débarrasser de deux dictatures successives, celle de Bourguiba et celle de Ben Ali.”
A la question : “Avez-vous réussi votre révolution ?” des Tunisiennes rétorquent qu’on ne peut pas juger de la réussite d’une révolution au bout de quatre ans mais qu’il faudra au moins un siècle. C’est alors que les Français jusqu’alors sur la réserve s’expriment, d’abord en rappelant l’histoire de la Tunisie, puis l’histoire de notre propre révolution de 1789, avec ses échecs, ses désillusions, ses violences, ses retours en arrière. Une Tunisienne prend la parole pour évoquer les déceptions du peuple tunisien et le regret exprimés par une partie de l’opinion publique du temps d’un dictateur : comment nous, qui sommes au tout début d’un processus démocratique, nous les femmes tunisiennes qui n’avons jusqu’ici jamais eu la parole, nous comporter face à la désillusion de la société tunisienne ?
C’est au tour des Français de parler de la démocratie : un processus lent et toujours en construction ; la France n’a pas de conseil à donner à la Tunisie sauf à reconnaître humblement ses difficultés et ses limites : est-elle dans un processus de déclin de la démocratie ? Les français sont-ils devenus trop individualistes ? “La démocratie, c’est comme l’amour, c’est difficile, c’est fatigant, souligne André Harreau, Amis de La Vie à Lyon, car il faut tenir compte des autres ne pas vouloir imposer sa vérité. La tentation de se reposer sur un chef qui décide pour nous est compréhensible”.
Il faut du courage pour résister aux pouvoirs des banques, des multinationales, des institutions internationales qui sont toujours tentées de soutenir les forts. Alors la solution est peut-être de s’unir, nous les sociétés civiles tunisienne et française pour agir ensemble.
Ce fut vraiment un moment de grâce, après un petit temps d’adaptation et quelques rappels des règles. Nous étions tous très heureux de cette expérience de discussion à 45 personnes dans un café tout en longueur qui aurait pu virer à l’aimable échange de banalités ou pire, au pugilat politique entre nos hôtes tunisiens.
Un véritable café politique inimaginable avant
Une jeune femme a rappelé combien cette soirée – un véritable café politique comme il existe des cafés-philo- était inimaginable quatre ans auparavant : “Même dans nos familles, nous n’osions pas parler tant la peur nous cousait la bouche”.
Nous sommes profondément admiratifs de la maturité dont nous avons été témoins et bien conscients que nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres. Le café politique continuera sur la page Facebook des Amis de La Vie, inch Allah !
Dominique Fonlupt, journaliste
Françoise Devaux, Amie de La Vie dans le Val d’Oise
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