Activiste engagée en faveur de la protection de l’environnement, Raffaella Tolicetti nous raconte son aventure au sein de l’association aux méthodes parfois controversées : Sea Shepherd.
Par Léa Evrard
Raffaella Tolicetti est franco-italienne. Après des études de sciences politiques en Italie et plusieurs engagements auprès de différentes ONG, elle embarque en 2010 sur l’un des bateaux de Sea Shepherd, l’association de lutte pour la protection des écosystèmes marins. Elle pensait partir pour quelques mois de volontariat. Elle vivra finalement à bord pendant sept ans, aux côtés de son compagnon.
Pouvez-vous nous expliquer ce qui vous a amenée à vous engager en faveur de l’écologie ?
Raffaella Tolicetti : J’ai toujours ressenti un besoin de justice environnementale. Mon grand-père était originaire de Vendée et j’ai grandi en partie là bas, dans la plus grande simplicité. J’ai toujours voulu protéger cet endroit magnifique et très sauvage. En grandissant, j’ai ouvert les yeux sur beaucoup d’autres réalités. J’ai compris que notre environnement était très fragile et qu’il était très facile de l’abîmer. Le naufrage de l’Erika, en 1999, m’a en particulier beaucoup marquée. Sea Shepherd se bat autant pour l’écologie que pour les animaux, cause à laquelle je suis également très sensible. Tout cela était donc très lié.
Pouvez-vous nous parler de l’association Sea Shepherd et de votre rôle à l’intérieur ?
R.T: Sea Shepherd a été créée en 1977 par Paul Watson, qui avait déjà co-fondé l’association GreenPeace. L’idée était de créer un organisme d’action directe pour la protection des océans, grâce à des campagnes qui se déroulent toute l’année. En ciblant la protection des océans, il est bien évidemment impossible de tout contrôler. Si au début il n’y avait qu’un seul bateau, on en compte aujourd’hui une dizaine. L’association repose désormais sur deux grosses antennes : Sea Shepherd Global, pour l’Europe et l’Afrique, et Sea Shepherd Conservation Society, sur le continent américain. Je suis d’abord montée sur le bateau en tant que cuisinière, pendant six ans. Je ne m’étais pas du tout destinée à ce domaine mais il y avait un besoin à combler et j’adorais le côté créatif de tout ça. Tous les bateaux de Sea Shepherd sont vegans, pour respecter une démarche cohérente envers la protection de l’environnement et des animaux, et ça me plaisait beaucoup. Puis je suis devenue manager du bateau, et enfin co-leader de deux campagnes la dernière année.
Vous avez choisi de participer à la défense de l’espace marin plutôt que terrestre : pourquoi ?
R.T : Je pense que tout est lié lorsqu’on se préoccupe de l’écologie : les animaux, les êtres humains, les plantes et tout ce qu’il y a autour de nous. Mais inconsciemment, je pense que c’est en rapport avec l’endroit où j’ai grandi. J’ai choisi Sea Shepherd parce que l’association nous permettait de nous donner corps et âme pour cette cause qui nous tient à cœur. Les missions durent plusieurs semaines, voire plusieurs mois. C’est une véritable immersion, comme par exemple pendant ces trois mois passés en Antarctique. Et puis sur le bateau, on partage tous cette même envie de protéger l’environnement, et de se battre pour ça. C’est une sorte de microcosme. Quand on monte sur un bateau de Sea Shepherd, on nous demande si l’on est prêt à sacrifier sa vie pour sauver une baleine et je crois qu’au fond, ce n’est pas seulement une question symbolique. Il nous est arrivé de mettre nos vies en danger plusieurs fois, surtout en Antarctique. Embarquer sur un bateau de Sea Shepherd, c’est vivre une immersion totale et profonde pour la cause écologique.
Quelles sont les priorités actuellement défendues par Sea Shepherd ?
R.T : Il y a plusieurs campagnes un peu partout dans le monde en ce moment. On lutte contre la pollution des océans, les massacres des cétacés (en particulier dans les îles Féroé), la pêche accidentelle des dauphins sur les côtes françaises, ou encore la surpêche et la commercialisation illégale des baleines en Antarctique et en Afrique. On traque les pays qui ne respectent pas les lois et les moratoires. Les tactiques pour lutter contre ces phénomènes ont évolué au fil des années mais la plupart du temps, elles consistent à se placer devant les bateaux harponneurs pour arrêter la pêche ou le ravitaillement des équipages. La tension est souvent très forte, ce sont des campagnes très intenses, dangereuses parfois. Mais il me paraît important de préciser que Sea Shepherd a toujours été une association non violente. On n’a jamais fait de mal aux personnes. Nous ne pratiquons que « l’action directe non violente ».
Justement, l’association a longtemps été critiquée pour ses actions « musclées », comment se positionne-t-elle aujourd’hui ? Les modes d’action sont-ils les mêmes et ou bien ont-ils évolué ?
R.T: C’est vrai que le logo pirate qui représente l’association peut paraître un peu déroutant, mais il faut se renseigner au-delà. Signer des pétitions ne suffit pas, il faut parfois savoir bousculer et intimider ceux qui perpétuent ces massacres, en dépit des interdictions. Les gens peuvent percevoir cela comme une technique brutale mais je ne pense pas que ce soit le mot adéquat : encore une fois, on ne fait pas de mal aux personnes. On les empêche simplement de vendre leur marchandise et de faire fonctionner leur économie. Mais je peux comprendre que certains soient en désaccord avec nos modes d’action. Paul Watson le disait lui-même : il existe des formes plurielles d’activisme. Sea Shepherd n’est pas la seule organisation à agir pour la cause environnementale. Aujourd’hui l’association entretient de nombreux partenariats avec les gouvernements, ce qui prouve bien que nous ne sommes pas « hors la loi » , contrairement à ce que certains pensent. A mon sens, la brutalité vient plutôt d’en face.
Propos recueillis par Léa Evrard
Les recettes vegan de Raffaella
Au delà de son engagement auprès de Sea Shepherd, Raffaella Tolicetti a aussi écrit un livre. Baptisé « Think ! Eat ! Act ! » (« Réfléchis ! Mange ! Agis ! ») et publié en 2014, l’ouvrage contient entre autres de nombreuses recettes de cuisine vegan. Le but ? Démystifier un régime alimentaire qui, selon la jeune femme, est accessible à tous et facile à adopter au quotidien : « Modifier son alimentation, c’est aussi une façon d’agir pour protéger l’environnement et défendre la cause animale. Dans les pays occidentaux, de nombreuses enseignes ont compris que le véganisme serait le tournant alimentaire des prochaines années. Il est donc possible de trouver des rayons qui proposent ce type de produits à des prix qui restent abordables. On n’imagine pas l’impact énorme que l’alimentation représente, pour sa propre santé, mais surtout pour préserver notre environnement. »
L.E