Au Maroc, pays où la population est majoritairement musulmane, l’enseignement catholique est pourtant bien présent. Pour quelles missions ? Explications avec Marc Boucrot, directeur de l’enseignement catholique marocain.
Comment l’enseignement catholique s’est-il implanté au Maroc ?
Il est arrivé au Maroc en 1919, juste après l’instauration du protectorat et répondait alors à un besoin d’accueil des orphelins, faute d’institutions spécialisées dédiées. Ces dernières se sont ensuite transformées en écoles. Jusqu’à l’indépendance en 1956, le personnel et les élèves étaient catholiques et européens, ces établissements étant gérés par des congrégations religieuses. Par la suite, on a commencé à accepter des élèves marocains et musulmans, qui représentent aujourd’hui 98% des effectifs.
Quel est l’objectif d’un enseignement catholique dans un pays à majorité musulmane et dans lequel les Marocains n’ont pas le droit de changer de religion ?
Les parents qui mettent leur enfants dans nos établissements épousent d’abord nos valeurs, qui sont communes aux deux religions. Ceux-ci sont parfois d’anciens élèves qui ont connu les pères et soeurs qui y travaillaient. Il faut souligner qu’aujourd’hui, pratiquement tous les enseignants sont des Marocains musulmans, ainsi qu’une bonne partie des directeurs, conséquence du retour en France des anciennes congrégations religieuses. Mes prédécesseurs n’avaient d’autre choix que d’accepter de « se marocaniser »… ou de fermer leurs établissements. Seuls cinq établissements sont encore aux mains de congrégations. Les cours de religion sont optionnels, mais j’insiste, ce sont bien les valeurs morales qui attirent les parents.
C’est aussi le cas en France. Dans l’enseignement catholique, l’important c’est que la structure est catholique. Familles scolarisées et corps enseignants se retrouvent alors sur certains principes, même s’il peut y avoir des croyances différentes chez les uns et les autres. Au Maroc, notre projet éducatif a été conçu par des directeurs marocains musulmans et étrangers catholiques.
Cela ne pose donc pas de problème ?
Il n’y a aucun problème pour les chrétiens étrangers qui vivent au Maroc. Mais si vous parlez de la situation des chrétiens marocains, c’est autre chose.
C’est-à-dire ?
La constitution marocaine érige l’islam comme religion d’État, qui garantit à tous la liberté de culte. C’est la théorie. En pratique, la société n’accepte pas qu’un musulman change de religion, à cause du poids des traditions. Des efforts ont pourtant été consentis par le pouvoir politique. Si les chrétiens marocains étaient persécutés du temps d’Hassan II, ce n’est plus le cas depuis l’avènement de Mohamed VI. Il y a en réalité bien peu de catholiques marocains et davantage de protestants, en particulier évangéliques. Ceux-ci réclament des choses très simples : des lieux de cultes, des cimetières et la possibilité de se marier. C’est à l’Etat d’y répondre.
La désaffection pour l’enseignement public, des deux côtés de la Méditerranée, joue-t-elle un rôle ?
Pour la France, cela est vrai, même si l’enseignement catholique voudrait avoir davantage d’établissements et se trouve limité par la carte scolaire. Au Maroc, le privé progresse car le public connait certaines défaillances, en particulier au niveau du collège. Cet enseignement n’a pas les outils pour gérer les difficultés propres aux adolescents. C’est une des raisons pour lesquelles les parents marocains se tournent vers nous.
Interview Ilies Sidlakhdar