Mercredi, jour de sortie ! Une trentaine de participants de l’Université d’été ont randonné à travers les monts languedociens jusqu’à Saint-Guilhem-le-Désert, où ils ont bénéficié d’une visite guidée. Retour sur l’histoire de ce village si bien caché au coeur des gorges de l’Hérault.
En remontant aux origines du village, on tombe sur un certain Guillaume de Gellone, ou Guilhem de Gellone en langue d’oc, né en 750 et mort en 812. Aristocrate d’envergure et valeureux guerrier, il est chargé de la défense de l’Aquitaine dès 790 par son petit cousin Charlemagne et participe à de nombreuses luttes, notamment contre les Sarrasins. Après tant de combats et une carrière militaire bien remplie, Guillaume décide finalement de déposer les armes et d’entamer une nouvelle vie. Sur les conseils de son ami d’enfance Witiza, qui a fondé l’Abbaye d’Aniane en 784, Guilhem se retire dans un lieu propice à la spiritualité : la Vallée de l’Hérault, dans le confin du Massif Central, et y fait construire à son tour une abbaye. Encore aujourd’hui, celle-ci est au coeur de l’organisation et de la renommée du village.
Un des villages préférés des Français
Achevée en 806, l’Abbaye de Gellone compte, après la mort de Guilhem, une centaine d’abbés. La culture de l’olivier et l’élevage du bétail favorisent l’essor démographique et économique de Saint-Guilhem-le-Désert. Jusqu’à la fin du XVIIIème siècle, la population du village atteint presque mille habitants, avant de connaître un fort exode rural. Deux siècles plus tard, c’est l’incroyable développement du tourisme qui va repeupler les petites ruelles : aujourd’hui, le site recense chaque année quelques 700.000 touristes et est reconnu comme l’un des “villages préférés des Français”. Grâce à sa position géographique et à la relique de la Vraie Croix qu’elle possède, l’abbaye de Gellone est d’ailleurs inscrite depuis 1998 au patrimoine mondial de l’UNESCO au titre des chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle en France.
Un orgue sauvé par la Marseillaise
La notoriété de Saint-Guilhem-le-Désert s’est également forgée autour de deux autres éléments de l’abbaye : l’orgue et le cloître. L’orgue constitue en effet une partie intégrante de l’histoire de ce village et de ses habitants. Il est commandé par les moines mauristes dans les années 1780 à Jean-Pierre Cavailler, issu d’une célèbre famille de facteurs d’orgues, mais est encore inachevé lorsque survient la Révolution française. Sur la volonté des habitants, il est sauvé par l’organiste qui se met à jouer la Marseillaise : l’orgue devient “révolutionnaire”. En 1984, sa construction est finalement terminée grâce à l’association des Amis de Saint-Guilhem. L’orgue a également failli plusieurs fois atterrir dans d’autres villes, mais grâce à la persévérance des Saute-Rochers (nom donné aux habitants de Saint-Guilhem-le-Désert), il est resté dans sa demeure initiale et est maintenant joué par de célèbres organistes. Une fois entré dans l’abbatiale, on remarque d’ailleurs aussitôt la qualité du bois exploité et le caractère majestueux des ornements sculptés.
Un cloître… à Manhattan !
Le cloître a quant à lui connu de nombreux bouleversements, illustrant là aussi l’originalité de l’histoire du village. Après 1789, il est vendu par parties en tant que bien national. Lors de la crue du Verdus en 1817, le juge de paix d’Aniane Pierre-Yon Vernière réussit à en récupérer 148 pièces. Après sa mort, plusieurs séries de vente sont organisées. La collection se retrouve même de l’autre côté de l’Atlantique, à New-York, entre les mains du sculpteur et collectionneur américain Georges Grey Barnard, puis au Musée des Cloîtres grâce à une donation. Elle est enfin transférée au nord de Manhattan en 1936 pour reconstituer de façon fidèle le cloître de l’abbaye de Gellone, grâce aux différentes pièces qui la composent. Le reste des éléments du cloître a réussi à être protégé des convoitises par le Ministère de la Culture français dans les années 1980 et repose maintenant dans le Musée Languedocien de Montpellier.
Saint-Guilhem-le-Désert a ainsi traversé nombre d’aventures tout en arrivant à préserver son authenticité de joyau de l’Art roman.
Un puzzle du XIIe siècle
Cet autel est un véritable trésor du Moyen-âge, superbement restauré depuis cette année. Datant du XIIe siècle, il avait subi les assauts du temps comme ceux des hommes, qui l’avaient décomposé en plusieurs parties, certaines ayant même servi à la structure d’un escalier ! Ses caractéristiques sont typiques de l’époque : dans le marbre blanc sont incrustés des verres colorés et le Christ y est représenté en majesté.
Margot Cotrelle