[Portrait de lectrice] Une vie au service de l’autre

Portrait d’une lectrice qui a cherché à décliner le soin de l’autre à tous les temps.

Fidèle lectrice de La Vie, Madeleine Chabanolle semble avoir toujours cherché à « soigner » les autres, dans tous les sens du terme. Originaire de la Haute-Loire, entre Saint-Etienne et le Puy-en-Velay, cette sexagénaire, infirmière de formation, a longtemps été cadre de santé et s’est notamment occupée de personnes âgées. « Je suis attirée par la vieillesse » s’exclame-t-elle. « Oui, les vieux ! Et j’utilise ce mot exprès ! », précise-t-elle de manière bienveillante face à notre étonnement. « Une formatrice nous disait que le mot “vieux” commençait par la “vie” et terminait par “eux”, et depuis, j’en suis amoureuse ! ». C’est au CHU de Saint-Etienne qu’elle s’est ainsi consacrée aux personnes âgées, avant de monter un organisme pour former le personnel aide-soignant. Et finalement veiller sur ces professionnels parfois en détresse. « Je leur permettais de beaucoup se remettre en question, leur apprenais à se féliciter. Se remercier, c’est accepter ce que la vie nous a donné » affirme-t-elle dans un sourire.


« Ma vie a été guidée par des maîtres, au premier rang desquels figure mon professeur de judo pendant presque 20 ans. Ce sport a été pour moi un vrai chemin entre le corps et l’esprit », raconte Madeleine, plongée dans ses souvenirs. Son choix de métier est d’ailleurs lié à sa vision de la médecine, selon laquelle on ne peut pas soigner quelqu’un si l’on ne va pas bien soi-même, dans sa tête et dans son corps.

Adoption et « enfant bio »

Madeleine enchaîne avec enthousiasme sur sa « chance inouïe, en tant que célibataire » d’avoir adopté deux enfants : Mathias et Fanny, l’un originaire du Brésil et l’autre de Polynésie-Française. La rencontre se fait alors que Mathias a quinze jours, et Fanny seulement deux heures ! « Le retour en avion reste un souvenir très émouvant », confie-t-elle, visiblement très émue. Plus tard, son mari a adopté à son tour les deux enfants, et ils ont ensuite eu ensemble un garçon biologique, Théo, qu’elle surnomme avec humour leur « enfant bio ».

Une maire engagée pour l’accueil des migrants

En tant que maire de la commune de Saint-Didier-en-Velay (43), Madeleine est en contact avec l’association « Un toit, un droit », qui permet à des familles de migrants de loger dans des appartements communaux. Frappée par la question migratoire, elle se demande souvent comment agir en tant qu’élue. L’une de ses sœurs est engagée avec le Comité Intermouvement auprès des Evacués (CIMADE) de Marseille, et doit gérer de nombreuses arrivées de migrants, parfois jusqu’à 80 par jour. « Elle est obligée de refuser certaines personnes car elles sont trop nombreuses. Elle me raconte combien parfois, le soir, certains repartent sans savoir où ils vont coucher », déplore Madeleine.

En février 2019, elle apprend qu’un jeune de 26 ans venu de Centrafrique, Woudaa, vient de finir ses études au Maroc et doit faire un stage dans une entreprise française. Trois villes peuvent l’accueillir : Paris, Nantes ou Saint-Didier-en-Velay. « On ne pouvait tout simplement pas refuser », affirme-t-elle. Les parents de Woudaa sont commerçants en Centrafrique et, forcés de migrer vers le Yémen, actuellement dans un camp de migrants. Avec le soutien d’un prêtre de Saint-Didier, René et Madeleine trouvent alors à Woudaa un appartement et l’aident à le meubler. Musulman, il leur parle de ses croyances et du Coran : des échanges qui attisent la curiosité de Madeleine sur sa personnalité. « Il parle de ses parents de manière extraordinaire, avec beaucoup de respect. Il leur envoie de l’argent régulièrement. Il nous témoigne aussi très souvent de sa reconnaissance et appelle parfois René (mon mari) “son père” ».

« Je me dis que si 36 000 communes en France pouvaient accueillir deux personnes, cela représenterait 72 000 vies. Ça m’interpelle ».

Aujourd’hui, Woudaa s’est attaché à la commune de Saint-Didier et s’y est fait des amis. Il est très bien intégré et espère avoir un compromis d’embauche à la fin de son stage, pour rester en France. « Au mois de juillet, un autre jeune aurait besoin d’être pris en charge. Mon cœur me dit qu’on devrait l’accueillir, mais sachant qu’il n’a pas de papiers, ma fonction me pose problème. Je continue les recherches pour savoir si ce sera possible », explique Madeleine avec espoir. « Je me dis que si 36 000 communes en France pouvaient accueillir deux personnes, cela représenterait 72 000 vies. Ça m’interpelle ».

Texte et photo : Lisa Giroldini