Nous avons fait sa connaissance lors de l’université d’été de Méaudre en 2017 (Résister au fatalisme). Francis Ginsbourger publie un livre de mémoire sur la deuxième guerre mondiale qui a pour titre : Le Vercors oublié. ( éd. De l’Atelier, 2019, 280 p.).
À partir de quelques feuillets confiés par sa grand-mère, Francis Ginsbourger mène une enquête fouillée sur l’histoire de sa famille, juive, réfugiée dans le village de Saint Martin. En s’appuyant sur de nombreux témoignages et écrits, refusant les grilles de lecture simplistes de la Résistance mythifiée, il plonge dans l’épaisseur de la vie quotidienne des montagnards « qui savaient se taire », retrace l’enchainement des évènements, brosse des portraits attachants.
Mais là n’est peut-être pas l’essentiel car le propos va en s’élargissant. On passe d’une histoire de famille à celle des faits complexes de résistance. De ce qui s’est passé hier aux traces qui subsistent aujourd’hui. On glisse du registre de l’histoire à celui des interrogations existentielles : qu’en est-il de la violence latente en chacun de nous que provoque la violence d’autrui ? Qu’est-ce qui rend possible le dépassement d’un traumatisme ? Y-a-t-il des dettes impossibles à acquitter ? Comment tenir sa place dans la transmission intergénérationnelle ?
De chapitre en chapitre, le propos s’universalise : on pensait lire un livre sur hier et on s’interroge sur demain. En nous parlant de ceux du Vercors, Francis Ginsbourger nous parle de nous. De la force de la fraternité, du pouvoir libérateur du récit et de notre fragile humanité.
Bernadette Puijalon
Le Vercors oublié, éd. De l’Atelier, 2019, 280 p.