Sortie au MIAM de Sète : entre privation de liberté et “objectothérapie”

Une sortie était organisée par les Amis de la Vie au MIAM, le Musée international des arts modestes de Sète. Visite de ce lieu atypique et de sa nouvelle exposition sur l’art produit dans des espaces de privation de liberté.

 

©PierreSchwartz

Fondé par Hervé di Rosa et Bernard Belluc en novembre 2000, le MIAM met à l’honneur l’art modeste, un art bon marché et populaire qui repose sur la création à partir d’objets du quotidien. L’exposition temporaire « Évasions, l’art sans liberté » propose une série d’œuvres créées dans des conditions particulières, réalisations de prisonniers, de migrants ou de déportés des camps de concentration. Un ciel étoilé peint sur plusieurs étages relie les différents thèmes et symbolise la liberté, car visible presque par tous.

Le dessin, cette autre langue

L’exposition s’ouvre par une série de dessins signés par des migrants. Une école baptisée « La French school of arts » avait en effet été montée dans ce qu’on appelle « la Jungle » de Calais. Ces créations leur permettent de s’exprimer car ils ne parlent pas forcément français. Les dessins d’Hafiz, un jeune Soudanais, en sont un bel exemple. A travers, cet ensemble d’images colorées et naïves, il raconte son histoire. Accusé à tort de crime, il a vu son frère se faire exécuter sous ses yeux et a dû fuir son pays. Ses dessins témoignent de son parcours, de la Lybie où il est exploité, à la France où il entreprend des démarches et tente de s’intégrer, en passant par l’Italie. Ces dessins émouvants ont également été publiés dans un livre trilingue (en français, anglais et arabe) afin de toucher le plus grand nombre.

 

©Anne Mariotti

Créer derrière les barreaux

La suite de l’exposition confronte le visiteur à l’art carcéral. Hervé di Rosa, le directeur du musée, a d’ailleurs donné des cours d’arts en centres de détention. Alors que les œuvres sortent de la prison, les détenus restent, eux, enfermés. C’est donc un moyen de créer un lien avec l’extérieur. Ces œuvres ont été réalisées avec les moyens du bord, à partir de récupération. Certaines ont étés ramenées par Hervé di Rosa au cours de ses voyages. C’est le cas de dessins exécutés au stylo à bille sur des mouchoirs ou des taies d’oreillers par des prisonniers latino-américains ou d’une Eglise orthodoxe en allumettes venue de Grèce (voir photo). Malgré le manque de moyens, ces artistes font preuve de talent. Sacs fabriqués en paquets de cigarettes, peintures peintes avec l’huile des boîtes de conserves, noix de cocos gravées de Cayenne… Tous ces éléments répondent à l’un des commandements du musée : ne pas hiérarchiser les arts. Cela permet aussi de découvrir la vie quotidienne des détenus. C’est dans cet esprit qu’un espace délimité de seulement neuf mètres carrés permet de visualiser la taille d’une cellule.

Résistance culinaire

©Miam

La troisième partie de l’exposition met en avant des œuvres réalisées dans des camps de concentration, comme autant de témoignages des souffrances vécues. De nombreux carnets écrits par des femmes déportées y sont présents. Ils contiennent des recettes qu’elles rédigeaient pour s’imaginer avoir mangé de somptueux repas et les aider ainsi à survivre. La résistante Germaine Tillion (entrée au Panthéon en mai 2015), a quant à elle utilisé ses carnets pour dénoncer ses bourreaux. Elle y faisait des acrostiches avec les recettes de cuisine, laissant apparaître les noms de dirigeants de la Gestapo. Une autre manière de raconter et de participer au devoir de mémoire. Des dessins représentent également la vie des déportées et montrent comment ces femmes auraient vécu si elles n’avaient pas connu l’enfer, bien coiffées et bien portantes.

Le Musée International des Arts Modestes est un lieu original, dont on ne peut que conseiller de pousser les portes à quiconque passe par Sète.

 

L’objectothérapie de Bernard Belluc

©Anne Mariotti

Le dernier étage comprend une étonnante collection permanente, assemblée par Bernard Belluc, co-fondateur du MIAM et ancien sculpteur de figurines. Ces miniatures qu’il faisait parler entre elles ont eu sur lui un rôle inattendu et l’ont aidé à soigner son bégaiement. En 1984, il commence à les collectionner compulsivement, en plus d’objets du quotidien tels des emballages de produits alimentaires ou ménagers, du matériel d’écolier, etc. Bilan ? Plus de trois cent mille objets des années 1930 aux années 1980 ont été conservés. Ils sont aujourd’hui rassemblés et mis en scène dans des vitrines suivant des thématiques comme l’histoire, la géographie, le Premier Empire ou encore l’école. C’est ce que Belluc appelle “l’objectothérapie”, puisque cet art l’a guéri. Ces objets finissent immanquablement par évoquer des souvenirs aux visiteurs. Une lessiveuse a suscité beaucoup de remarques parmi les Amis de La Vie, qui se sont rappelés avoir vu leurs grands-parents utiliser ce modèle.

 

Anne Mariotti

Infos pratiques :
MIAM – Musée international des Arts Modestes
23 quai Maréchal de Lattre de Tassigny 34200 SETE
04.99.04.76.44 / www.miam.org
Exposition “Evasions, l’art sans liberté” jusqu’au 23 septembre 2018.