Polo Tonka, écrivain, considère sa schizophrénie comme un élément omniprésent et indissociable de sa personne. Portrait.
Ce 3 juillet, par une fin d’après-midi ensoleillée, Polo Tonka est invité à l’Université d’été pour témoigner de son parcours, de la manière dont il vit avec sa maladie et comment sa foi l’a aidé. Son discours poignant a touché chacun des Amis de la Vie, tandis qu’il répondait à leurs questions et à celles de Dominique Fonlupt, rédactrice en chef adjointe à La Vie et directrice de l’association des lecteurs.
Polo Tonka grandit à Saumur. Sa première année à Paris, juste après le bac, marque un tournant dans sa vie. En effet, c’est à ce moment-là qu’il sombre dans la dépression. Il a alors l’impression de vivre sous terre. Un de ses cousins attentif alerte ses parents, ce qui l’amène à consulter un psychiatre. Polo Tonka avait alors l’impression que les autres lui imposaient une image de fou. Il ajoute : « Pour moi, je n’étais pas fou mais malheureux ». Après sa consultation, le psychiatre lui diagnostique « une belle dépression ».
Polo Tonka distingue déjà le fait d’entendre des voix et les pensées négatives qui ne viennent pas de lui mais qui l’assaillent. Ces pensées qui traînaient dans sa conscience et qui lui disaient : « tu es moche, tu es nul, suicide-toi ! ». Il commence alors à prendre un traitement à très haute dose. Mais ne désespère pas pour autant, car il a l’idée qu’une dépression se soigne.
La schizophrénie, un ennemi intime
Néanmoins, la réussite scolaire et sociale de sa famille lui pèse, l’oppresse. Effectivement, il a du mal à y trouver sa place. Son âme d’artiste le conduit à s’inscrire dans une école de design, en espérant guérir, mais il ne va pas jusqu’au bout. En vérité, il s’avère ne pas être seulement dépressif mais aussi schizophrène, ce qu’il découvre quelques années plus tard.
Encore aujourd’hui, il est plus facile pour lui d’intervenir devant une assemblée que de prendre un rendez-vous avec une assistante sociale. Pour lui, la maladie est un ennemi intime et intérieur. Il insiste sur le fait que, contrairement aux clichés véhiculés, les schizophrènes sont très peu violents, si ce n’est en eux-mêmes. Polo Tonka raconte ainsi n’avoir été violent verbalement qu’une seule fois, envers ses parents.
Durant ces années, Polo Tonka était détaché de la religion, même s’il croyait encore au paradis. Un soir où il veut en finir, sa belle-sœur l’invite à passer quelques jours chez elle et à participer à un séminaire organisé par sa paroisse. Polo Tonka découvre alors une foi qu’il décrit après coup comme « évidente et belle ». Il vient de rencontrer Jésus et ce qu’il considère comme une grâce l’aide désormais dans sa vie quotidienne.
Fou d’amour
Lui qui souhaitait reprendre des études créatives décide de s’orienter vers des études de pâtisseries. D’où son surnom, Tonka, du nom d’une fève très parfumée (Polo étant dérivé de Paul, son prénom, ndlr). Aujourd’hui, il ne continue pas dans cette voie. Il prend toujours un traitement très lourd qui ralentit son cerveau comme sa parole et le fatigue (ce qui aurait d’ailleurs pu empêcher sa venue à Sète). Ses yeux sont secs et il a besoin quotidiennement de larmes artificielles, traitement qu’il gardera à vie.
Désormais écrivain, il considère que c’est la plus belle expérience de sa vie. Cela lui permet de se rencontrer lui-même, comme il l’explique dans son livre Dialogue avec moi-même, un schizophrène témoigne (Odile Jacob, 2017). En faire la promotion était cependant compliqué, mais il s’est rendu compte qu’il y prenait beaucoup de plaisir.
Dans l’assemblée, un membre du public finit par lui demander des détails sur ses souffrances psychiques. Polo Tonka dit ne pas pouvoir y répondre car selon lui, on ne peut pas comprendre cette douleur si on ne l’a pas vécu. Dernière confidence de l’écrivain : il préfère le terme « fou » à celui de « schizophrène » car beaucoup plus positif. « On peut par exemple être fou d’amour » !
Maguelonne Le Roux et Anne Mariotti