Voilà probablement nos dernières nouvelles de Palestine, le temps passe à une vitesse folle. Les équipes de relève sont déja sur place à Jérusalem pour formation. La “cérémonie” de passage de flambeau est prévue le 9 mai à l’Eglise St Andrew. Après quoi nous aurons de notre côté deux journées de debriefing et départ le 11 mai.
Les semaines passées ont continué d’être intenses pour le corps comme pour l’esprit, car si le travail de terrain est prenant (même si les effets concrets sont modestes, du moins difficiles à mesurer), celui de la tête reste important pour donner du sens et témoigner ou préparer les témoignages. Ainsi les “travaux d’écritures” occupent du temps (vingt cinq textes environ envoyés à tous ceux qui nous ont soutenus), des contacts et des visites de journalistes que nous avons pilotées (Le Figaro, RFI, Europe 1), et la préparation et la réalisation de l’interview dans Ouest-France du 24 avril, reprise sur plusieurs sites nationaux, qui continue à susciter de nombreuses rédactions – nous sommes évidemment reconnaissants à Ouest-France d’avoir consacré une pleine page, toutes éditions à ce sujet, et encore plus au Télégramme d’avoir ouvert la voie.
Des contacts aussi à différents niveaux, à Jérusalem comme à Hébron pour mieux comprendre la situation et les perspectives. Ainsi un long entretien avec Hind Khoury, secrétaire général du mouvement “Kairos Palestine” (et ancienne représentante de la Palestine en France, 2006-2010), réunion de l’ensemble des Eglises Chrétiennes de Palestine. La voix des Chrétiens est indispensable dans ce conflit, tant l’Etat d’Israël tente de le faire passer pour une opposition “Juifs/Musulmans, plus facile à “vendre” à l’Europe et aux Etats-Unis dans le contexte actuel qu’un conflit de territoire.
Après trois mois ici, nous sommes persuadés que les Chrétiens sont un élément important de la solution. Israël l’a bien compris qui cherche à les réduire et à les décourager : on le mesure avec colère particulièrement depuis les périodes de Pâques (La Pâque Latine et l’Orthodoxe) en voyant de nos yeux comment les forces d’occupation empêchent les chrétiens d’accéder à leurs lieux de culte. Hind Khoury confirmait qu’ils sont davantage (et beaucoup plus sournoisement ) ciblés que les musulmans; Israël réussit dans cette démarche puisque de 20% de la population au début de l’occupation, ils ne représentent plus aujourd’hui que 1,7%). Raison de plus pour soutenir ces premiers “Chrétiens d’Orient”. Notre mission ici va dans ce sens, puisqu’elle est une réponse pratique à l’appel au secours qu’ils ont conjointement lancé.
Hind faisait remarquer la “grande réserve” de l’Eglise Catholique de France (ou plutôt de ses “officiels”) à soutenir cette cause (elle a rencontré la plupart de ses dirigeants). “L’Eglise de France reste marquée par son passé” dit-elle avec diplomatie. Ceci, évidemment chers amis, ne s’applique pas à l’Eglise du Finistère qui nous apporte tout son soutien.
Elle a aussi mis l’accent sur un sujet que nous igniorions totalement il y a trois mois et dont nous percevons maintenant l’influence et le danger: il s’agit du mouvement du “christianisme sioniste”, à l’origine un courant évangélique protestant, présent et influent aux Etats-Unis, et qui se répand maintenant insidieusement en France chez les Catholiques comme chez les Protestants : nous avons ainsi découvert avec stupeur que l’institut de Théologie de l’Eglise Protestante de France à Jérusalem était de cette tendance; nous comprenons mieux maintenant certaines réactions familiales et amicales qui ont précédé notre départ ici. Nous allons tâcher d’écrire un texte sur le sujet pour mettre nos idées au clair et le diffuser; cela reste à faire….
Nous avons eu l’un et l’autre l’occasion de “visiter” d’autres sites de notre programme dont les environnements sont davantage “campagnards”, ainsi Corinne était à Yanoun, un petit village proche de Naplouse, et de mon côté dans” les collines du sud”, à la limite sud de la Palestine. Situations différentes, mais mêmes harcèlements, mêmes agressions, mêmes vols de terre, disons le franchement mêmes pratiques criminelles et la peur dans les yeux des femmes craignant pour leurs maris quand ils font paître leurs troupeaux, redoutant au petit matin les “descentes” de colons dans leurs campements ou leurs maisonnettes. Nous avons ainsi “paturé” avec les bergers et passé la nuit dans les campements pour rassurer les familles. Quelques gouttes d’eau, en réponse à des appels qui vous retournent le coeur… et vous donnent la rage !
Bienvenus, comme l’autre fois, pour se changer les idées, deux jours de “permissions” dont nous avons profité ensemble pour partir découvrir le sud, les distances ici sont modestes :
- Qoumran, si émouvant par la portée des découvertes, mais si mal mis en valeur, comme malheureusement beaucoup d’autres sites ici (béton, barbelés, baraques de chantiers et film de reconstitution hollywoodien”)
- l’époustouflant Massada, cet éperon rocheux dominant la mer Morte où le roi Hérode a construit un incroyable palais et une place forte que les Romains ont conquis dans des conditions inouïes pendant la “révolte juive” des années 70 aprèsJ.-C. Symbole de la résistance juive et du refus héroïque de la capture.
- la cité nabatéenne d’Advat, sur la route des caravanes de Petra à Gaza
- l’incroyable cratère Mitzpé Ramon où nous avons marché près de trois heures, poussés par “la tentation du désert”( toujours découvrir la colline d’après…)
- quelques belles ballades dans les wadis
- au passage l’immense prison lunaire de Ramon, en plein désert, où des milliers de Palestiniens sont enfermés.
Nous proposerons dans quelques jours une date dans la deuxième quinzaine de mai afin de partager “le verre du retour”, un soir vers 18h à Brest pour tous ceux qui pourront. D’ici là, bon mois de mai, merci pour votre soutien, et… à bientôt.
Corinne et Laurent”
Pour aller plus loin
Lisez l’interview de Laurent Merer dans Ouest France, relayée par un blog sur Mediapart, en cliquant ici.