Jean-Pierre Denis : “la rédaction de La Vie est plurielle, à l’image de la société française”

Jean Pierre Denis interview

Jeunes journalistes à l’université d’été, nous avons interviewé Jean-Pierre Denis, le directeur de la rédaction de La Vie. Il s’est confié sur ses 20 années passées à l’hebdomadaire chrétien. Rencontre. 

Qu’est-ce qui vous a donné envie de devenir journaliste ?

J’en ai toujours eu envie, dès l’âge de 10 ans. Il faut se méfier des idées des enfants, parfois elles sont sérieuses ! J’ai appris à lire avec Le Monde, le journal que recevait mon père. Ma sœur m’avait offert un recueil de nouvelles où un jeune créait son journal. Le mien, La loupe, a vu le jour en 5ème et m’accompagna au lycée. Je dus me battre pour son indépendance car la direction du lycée cherchait à contrôler les publications. Ce fut ma première leçon.

Une fois journaliste, j’ai réalisé que j’allais passer ma vie à apprendre. Le journalisme, c’est magique, c’est la rencontre de gens qui savent. Nous sommes là pour les trouver, les écouter : nous sommes des passeurs.

“Me situer en tant que chrétien, c’est être honnête”

Dans quelle mesure être un journaliste chrétien influence-t-il votre manière d’aborder l’actualité ?

Je ne crois pas à l’objectivité. Je crois à l’honnêteté. Chacun a son histoire, sa singularité, sa culture. On doit savoir se mettre à distance de ses convictions. La rédaction de La Vie est plurielle, à l’image de la société française. Me situer en tant que chrétien, c’est être honnête. Alors oui, le christianisme c’est une vision de l’homme, de la vie. Je ne vais pas le cacher et je n’ai pas peur de l’affirmer dans les débats publics. J’ai une carte de presse semblable aux autres.

Racontez-nous un de vos meilleurs souvenirs.

À La Vie, j’ai eu deux vies. Une vie de journaliste et une vie de directeur de la rédaction. En tant que journaliste, mon meilleur souvenir c’est quand le journal m’a envoyé au bout du monde, comme après le tsunami de 2005 au Sri Lanka. Paradoxalement, je me sentais bien dans cette ambiance dramatique, au plus près d’une humanité en souffrance. Notre métier, c’est d’être au cœur de l’existence humaine… En tant que directeur, le plus intéressant est d’accompagner les projets des journalistes et les voir s’épanouir dans leur travail.

“Le rôle d’un éditorialiste, c’est de ne pas se laisser imposer un point de vue par la pression culturelle ambiante.”

Et un sujet particulièrement complexe à traiter ?

Comme éditorialiste, je prends une position qui engage un journal avec des conséquences sur le long terme. Le débat sur le mariage pour tous était, par exemple, un moment intéressant et compliqué à la fois. Les avis sur le sujet était partagés à la rédaction. Mais ne pas prendre de position aurait été lâche. De mon côté, je ne devais pas me laisser imposer un point de vue par la pression culturelle ambiante. Il faut prendre position, mais celle-ci doit rester relative.

De même, le journal avait été confronté à des débats en 1975, lors de la loi Veil sur l’avortement. Le journal était à l’origine contre, puis a, par la suite, défendu cette loi. La Vie opte en général pour une position plutôt conservatrice, mais cette position évolue en accompagnant les mutations de la société.

 

Caroline Gaboriau et Céline Tissot