Elena Lassida, économiste et théologienne, a ouvert l’université d’été des lecteurs de La Vie, dimanche 5 juillet. Elle est chargée de mission pour la COP 21 à la Conférence des Evêques de France. Pour dépasser la confrontation des intérêt nationaux, elle plaide pour un dialogue constructif, impliquant davantage la société civile.
Vous proposez un nouveau modèle de dialogue pour repenser la convivialité et ne plus opposer coopération et concurrence. Pouvez-vous revenir sur ce nouveau modèle ?
Il s’agit de repenser les liens entre l’individuel et le collectif dans un schéma plus large. Dans une société de marché et de concurrence, chacun cherche à défendre et à maximiser son intérêt individuel par la logique de l’offre et de la demande. L’intérêt collectif est lui aussi régi par cette logique marchande. Mais aujourd’hui, celle-ci produit de l’exclusion, les plus forts gagnent au détriment des plus faibles.
On oppose souvent la concurrence à la coopération, qui elle permettrait de dégager l’intérêt collectif avec la « co-construction », la « co-habitation » et tous les « co-… » du monde ! Il faut aller au-delà de ces deux logiques différentes, voire contraires. La concurrence pousse chacun à développer le meilleur de lui-même, le collectif peut noyer les responsabilités et les efforts individuels.
Dans le dialogue, on part des intérêts individuels pour construire l’intérêt commun. Il permet de passer de l’un à l’autre autrement que par le rapport de force du marché. Le collectif se construit à partir d’intérêts individuels, par des passerelles : la logique de marché en est une, le dialogue en est une autre.
Le modèle de dialogue que vous proposez est-il applicable à une telle conférence internationale ?
Aujourd’hui, les relations internationales sont principalement économiques et donc concurrentielles. Au G8 ou au G20, les pays ne cherchent qu’à s’allier pour peser plus lourd et défendre leurs intérêts individuels. Mais la question environnementale ne peut être abordée de manière individuelle ! Pour la première fois à la COP 21, soit on prend les décisions ensemble, soit les mesures seront inefficaces : les gaz à effet de serre n’ont pas de frontière ! Il faut partir des intérêts individuels mais être prêt à lâcher prise pour aller plus loin ensemble. La négociation de la COP 21 est difficile car tous les pays ne sont pas au même niveau, les responsabilités ne sont pas également partagées. C’est donc un très grand défi et chacun doit faire un effort.
Quels sont vos pronostics pour l’issue de la COP 21?
Si on veut évaluer la COP21, il faudra surtout prendre en compte l’avant et l’après. Les pays étaient appelés à annoncer leur engagement en termes de réduction des gaz à effet de serre, ils ne l’ont pas tous fait ou alors ils ont revu à la baisse les espérances. L’accord sera moins ambitieux que ce que la société civile espère, mais sa participation au débat a déjà ouvert des nombreuses possibilités : c’est la reconnaissance que le destin de la terre n’est pas qu’entre les mains des chefs d’Etats.
J’espère donc que de l’inattendu sera porteur d’espérance. Les chefs d’Etats ne sont pas audacieux car l’engagement environnemental à un coût très grand pour la population. Si celle-ci fait savoir qu’elle est prête à les supporter, les chefs d’états se lanceront plus facilement. Il faut donc que la société civile mobilisée sensibilise le reste de la population en montrant les avantages du changement.
Madeleine Poline