Randonnée dans le désert : le récit et les photos

Marraines et filleuls, parents et jeunes adultes, grands-mères et petites-filles, ils ont fait ensemble et pour la première fois fin octobre l’expérience du désert au Maroc, à l’invitation des Amis de La Vie.

Noël 2013. Tiphaine, 17 ans, reçoit de sa grand-mère un cadeau surprenant. Elles partiront toutes les deux marcher dans le sud du Maroc pendant les vacances de la Toussaint avec un groupe de jeunes et d’adultes. « Quand j’ai vu cette annonce dans La Vie, je me suis dit : c’est pour nous !”, se souvient Monique. “Je cherchais à partager quelque chose d’important avec l’aînée de mes petites filles que je n’avais pas vu grandir ». Monique et Tiphaine ont été les premières inscrites à une randonnée qui fut d’abord imaginée pour des parrains et marraines avec leurs filleul(s) mais que nous avons finalement ouverte à tout lecteur de La Vie souhaitant offrir à un jeune de son entourage une expérience d’intériorité dans un cadre exceptionnel

 

  • rando sud Marocain Amis de La Vie
    Entre Ouarzazate et les premières dunes, l’achat de l’indispensable cheich

(photos François Diot/Orphos pour les Amis de La Vie)

Intériorité ? Une promesse suffisamment expressive, mais aussi volontairement vague par souci d’adapter la proposition en fonction des attentes et de la dynamique du groupe. Non, on n’est pas obligé d’être croyant pour venir. Oui, c’est une proposition chrétienne puisqu’elle est émane des équipes de La Vie et qu’un prêtre nous accompagne. Nos lecteurs nous font confiance  et savent que chacun sera respecté dans ses doutes, son style et ses convictions. C’est bien pour cette raison que nous avons sollicité Arnaud Favart, vicaire général de la Mission de France. Arnaud a été – entre autres- chauffeur de bus scolaire pendant 17 ans dans la Creuse et aumônier général des Scouts de France. Il sait écouter et accueillir les jeunes tels qu’ils sont.

Nous sommes 15 à prendre l’avion pour Ouarzazate le 19 octobre dernier. Michel, entrepreneur de pompes funèbres à Pluvignier (56) a fêté ses 60 ans au mois d’août. Il s’est offert cette pause exceptionnelle avec sa fille cadette, Juliette 26 ans. La jeune femme est en train de s’installer à Nantes pour exercer son métier de coach sportif à domicile. Chantal, enseignante dans les Ardennes, a proposé le voyage à sa fille Anne, 23 ans, ostéopathe en Grande-Bretagne. Odile est venue avec son neveu et filleul, informaticien. « Cette démarche dans le désert qui s’inscrit dans la foi, je la considère comme le renouvellement d’un engagement que j’ai pris auprès de David il y a 25 ans », dit-elle. Samuel, la quarantaine bien sonnée, a été invité par sa marraine, Bernadette, qui souhaitait marquer ainsi leurs retrouvailles, après de longues années sans nouvelles. Chantal est là avec sa petite fille, Lola –dite LOL- 15 ans et demi.

Tous les participants ont en commun ce désir de solitude, de silence, de paroles et d’échanges nourrissants. Sans électricité pendant nos cinq jours de bivouac, les portables sont restés éteints et les esprits se sont ouverts au dépaysement, aux rencontres et aussi aux exigences vitales qu’aucun d’entre nous ne connaissait. L’eau est infiniment précieuse, l’ombre rare.

Nous sommes vulnérables et nous en faisons l’expérience, abattus chacun à notre tour par un microbe virulent. Mais la nausée et la fièvre, tout comme les soins que nous nous prodiguons mutuellement, font partie de l’initiation. Nous découvrons aussi au cœur de ces contraintes l’ingéniosité de nos cuisiniers qui nous servent d’abondantes salades miraculeusement fraîches par 38 degrés et d’inattendus beignets à la confiture d’ipomée (nom gracieux de la patate douce) tandis que nous égrenons fascinés dans nos paumes les rubis des grenades.

« Votre groupe, il fait envie ! » Le compliment est prononcé au bord d’un puits par une dame qui campe avec une autre caravane, à une journée de marche du premier village, au sud de la vallée du Drâa. C’est l’heure de la sieste, la chaleur est écrasante, et Tiphaine, apprentie coiffeuse, masse nos cuirs plus ou moins chevelus, en puisant une eau salée dont se sont longuement abreuvés nos dromadaires. Dans ce salon d’esthétique improvisé au milieu des dunes, nos « gazelles » racontent nos journée à la randonneuse : le conte de sagesse (1) du matin qui nourrit nos échanges au fil de la journée, le texte d’évangile en écho à nos découvertes , les soirées sous la tente où nous dînons, chantons, et analysons nos prises de vue sur l’ordinateur de François Diot, photographe.

Qu’est-ce qui peut bien faire envie en nous voyant pérégriner dans des paysages lunaires ? La mixité des âges, certainement, tellement rare en dehors du cercle familial. Il y a aussi ce mélange immédiatement perceptible de légèreté et de sérieux. Et encore ! Nous sommes les seuls à avoir entendu Michel chanter le Notre-Père en breton ou l’Homme de la Mancha de Brel, dans un décor de western.

Un soir au couchant, nous ramassons des galets polis de toutes les couleurs pour former une croix en mosaïque et célébrons l’eucharistie sous un vaste acacia. Notre groupe chemine déjà depuis trois jours et nous formons maintenant une petite communauté fraternelle, réunie autour de ce projet de randonnée. Fatima, la cuisinière, nous offre le pain que nous allons partager.

Célébration eucharistique au couchant. (Photo François Diot, droits réservés)
Célébration eucharistique au couchant

Abdou, notre guide, nous confie que c’est la première fois qu’il accompagne un groupe de chrétiens. En toute simplicité, il participe à la prière universelle et au geste de paix. Quand il ne conduit pas des randonneurs, il enseigne le Kung Fu. Aussi imprégné de philosophie bouddhiste, que de culture berbère et de foi musulmane, il sait que les chemins vers Dieu et vers la sagesse sont divers.

Le dernier soir, accueillis par des familles de Zaouit Sidi Ahmed, un village isolé par 5 km de piste dans les environs de Ouarzazate, nous célébrons une nouvelle fois la messe dans le salon d’une maison, avec l’accord de nos hôtes avant de déguster un couscous avec eux. Avec Hassan, Hicham et Mohamed, jeunes pères de famille, nous visitons cette ancienne zaouia (un centre religieux autour du mausolée d’un saint) où 52 habitants s’efforcent de trouver des moyens de vivre grâce à l’accueil chez l’habitant, à une coopérative de production d’huile d’olive et de fromage, ainsi qu’à la culture de la spiruline, une sorte d’algue prisée pour ses qualités nutritionnelles. Terminer ce voyage avec les habitants de Zaouit, paisibles et déterminés, correspond totalement à l’esprit de notre équipée.

Que retirent les jeunes de cette expérience ? « La chaleur, le fait de n’avoir pas d’autre choix que de mettre un pied devant l’autre malgré la fatigue m’ont conduit à me connecter davantage à moi-même et à puiser des forces en moi dont je n’avais aucune idée », estime Anne, 23 ans. Dans l’avion du retour, Lola, 15 ans, remarque que c’est la première fois qu’elle échange avec des « amis adultes » qui l’écoutent, rient à ses blagues et la prennent au sérieux. « On ne parle pas de la même chose avec des amis adultes qu’entre jeunes », souligne l’adolescente qui a apprécié la simplicité du prêtre : « Arnaud, il est comme nous. Il a aussi eu son petit malaise ! »

Juliette a aimé les échanges à partir des contes et la présence d’Arnaud Favart : « Nous nous sommes sentis à la fois libres et accompagnés ». Elle ajoute : « J’ai rarement l’occasion peu l’occasion de mettre des mots sur mes expériences, mes émotions. J’aimerais trouver un groupe à Nantes pour continuer à réfléchir. » « Le mélange des âges était génial », assure Tiphaine très remuée par ce qu’elle décrit comme une véritable transformation intérieure. Le plus inattendu des cadeaux.

Dominique Fonlupt

Rédactrice en chef adjointe à La Vie, directrice des Amis de La Vie.

(1) Ces contes ont été puisés dans le livre d’Arnaud Favart, « La route, la boussole et le pain, Evangile et vie scoute, aux Presses D’ile-De-France”

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