Avec un nombre d’exploitations bio plus de trois fois supérieur à la moyenne nationale, les agriculteurs du Parc Naturel Régional du Vercors se sont émancipés de la grande distribution tout en respectant leur espace de vie. Reportage dans la vallée d’Autrans-Méaudre, un exemple de transition réussie, qu’un groupe d’Amis de La Vie a visité pendant son université d’été.
La vallée d’Autrans-Méaudre, située à l’est du massif du Vercors, est entourée par une muraille de falaises blanches et vertes, d’où descendent lascivement des pistes de ski et des pâturages. Dans cette région qui fut le refuge de maquisards pendant la Seconde Guerre mondiale, la tradition de résistance semble ne pas avoir eu de discontinuité. Déjà en 1929, se créait une coopérative rassemblant 135 éleveurs. Paul Faure a ensuite fondé le Groupement agricole d’exploitation en commun (GAEC) des Verts Sapins, en 2003, au même endroit. C’est avec lui que le groupe de lecteurs du magazine La Vie a rendez-vous.
Après une succession de virages à angle droit sur une route bordée de grands chênes, l’exploitation des Verts Sapins se dresse sur les contreforts de la montagne. L’odeur de foin est vite remplacée par celle, acide et musquée, caractéristique de l’élevage bovin.
Par une chaleur étouffante, Monsieur Faure qui avait vu s’approcher le groupe, le rejoint en tracteur devant sa plus grande étable. Le bâtiment est situé en contrebas d’un pré pentu en face d’une épaisse forêt. Le grand gaillard se fait un plaisir de raconter l’histoire de cette coopérative, autrefois propriété du grand groupe Lactalis.
Les éleveurs de deux coopératives, Autrans et Vercors-Lait, vendaient leur production au premier groupe laitier mondial. Mais Celui-ci a fini par quitter la région faute de rentabilité. Après un mois de tractations et de réflexions, les deux coopératives décident de se réunir en une seule communauté exploitante, et de racheter les bâtiments d’exploitation au grand groupe.
La mise en commun ne fut pas sans inconvénient. M. Faure raconte. « L’absence de directeur commercial de 2003 à 2007 dans cette nouvelle coopérative a failli nous coûter notre jeune entreprise. » Mis en cessation de paiement, les éleveurs font le pari d’aller trouver la communauté de communes du Massif du Vercors et proposent leurs services pour le fromage AOP Bleu du Vercors-Sassenage.
Depuis 2007, Paul Faure et son frère de 47 ans s’occupent avec une trentaine d’autres éleveurs de 117 hectares et 86 vaches laitières. Ils gèrent également 300 hectares d’alpages où paissent 26 génisses. Leur production annuelle de 500 000 litres est utilisée à 92 % pour la production de fromage.
Les GAEC à l’abri de la crise des produits laitiers
L’exploitation semble relativement à l’écart de la crise des produits laitiers. « Grâce au circuit court, le GAEC des Verts Sapins vend la majorité de ses produits depuis sa coopérative à quelques kilomètres de là », explique M. Faure. Le nombre très réduit d’intermédiaires permet un prix de revient plus élevé.
Dans le Parc Naturel Régional, 23 % des exploitations sont bios et les autres sont en passe de le devenir. Pour la région Auvergne-Rhône-Alpes, ce sont 13, 1% d’exploitations qui sont d’ores et déjà certifiées bio (source : Agence bio, Agreste, 2015). En combinant la valorisation d’une agriculture pérenne par le bio, à celle donnée par l’AOP et le Parc Naturel Régional, ces exploitations communes sont tout à fait rentables.
C’est un espoir pour tous les territoires où la mécanisation et l’artificialisation de l’agriculture fait disparaître les petites fermes et baisser les prix. Paul Faure, lui, sourit à l’avenir comme à ses interlocuteurs. « Tout est encore à construire, dans le local pour le local. »
Texte et photos Dorian Borissevitch