Les Amis de Lyon se sont associés à une table ronde organisée par l’association Prisonniers Sans Frontières pour ses 20 ans, le 21 novembre dernier.
Au lendemain du magnifique récital d’orgue que Prisonniers sans Frontières (PRSF) a offert à l’église de la Rédemption et qui a attiré beaucoup de mélomanes et d’amateurs d’orgue, la table ronde organisée le samedi 21 novembre à la Mairie du 7ème à l’occasion des 20 ans de PRSF, en partenariat avec Les Amis de la Vie, a rassemblé près de 80 personnes. Le thème en était : “prisons en Afrique ; quelle place pour la société civile ?”
François Berger, vice-Président de PRSF, était le modérateur et animateur. Le président de PRSF, Michel Benoist, a d’abord rappelé que cette ONG créée en Côte d’Ivoire en 1995 avait pour objet l’humanisation des conditions de détention dans les prisons africaines et qu’aujourd’hui, elle était présente dans 7 pays de l’Afrique de l’Ouest, avec un réseau de 400 bénévoles qui visitent 85 prisons regroupant près de 27.000 détenus, pour leur redonner espoir et dignité.
Ensuite un débat a eu lieu entre François Theoleyre, chef d’entreprise à Lyon, témoin des origines de PRSF, et Bernard Bolze, fondateur de l’Observatoire international des prisons (OIP), sur la question de la non dénonciation ou non, des abus constatés en prison dans les conditions de détention ou le fonctionnement de la prison. Question délicate qui peut mettre en péril toute une action par les possibles rétorsions qui en découlent. François Theoleyre dans son expérience de consultant pour l’Union Européenne dans d’autres pays du monde en matière de justice, a souligné que la problématique était la même : on ne peut pas à la fois accuser et conseiller un gouvernement.
PRSF a fait le choix de la non dénonciation politique des petits pas qui porte ses fruits au fil du temps, au contraire de l’OIP qui a opté pour un engagement plus visible auprès des gouvernements. Ces 2 points de vue apparemment contradictoires sont apparus en réalité complémentaires. Marie-Françoise Petit, magistrate honoraire ancienne responsable de PRSF au Bénin, nous a souligné l’importance du maintien des liens familiaux en détention, facteur de réinsertion.
Grégory Doucet, responsable des programmes Afrique de Handicap International, a fait part de projets suivis à Madagascar et au Sud Soudan et en particulier du projet développé au Togo par le biais de la santé mentale et du soutien que Handicap apporte, en lien avec d’autres associations, auprès des centres de santé mentale qui peuvent accueillir des détenus.
Roger Koude, maitre de conférence à l’Université Catholique de Lyon, a ensuite pris la parole sur le sens des Droits de l’Homme dans les sociétés africaines. Il a insisté sur le fait qu’en dépit de facteurs historiques négatifs entravant le développement et la mise en œuvre de ce concept ( esclavage et traite négrière, colonisation), ainsi qu’en dépit du déséquilibre des relations entre Afrique et états occidentaux, les Droits de l’Homme ont été affirmés pour ce continent par plusieurs textes internationaux ( Charte africaine des Droits de l’Homme, Charte des Nations Unies, Traité de Rome créant la Cour Pénale Internationale) et ils sont inscrits dans les sociétés africaines au travers d’engagements internationaux. La crédibilité des Droits de l’Homme y est liée à la garantie que les Etats africains apporteront sur la base de ces instruments et les sociétés africaines doivent pouvoir être entendues dans tous les cas de non respect de ces engagements.
Guy Aurenche, président du CCFD- Terre Solidaire, a fait une remarquable synthèse de ces différentes interventions, en soulignant l’importance de ces moments d’humanité et de partage. Son message qui nous a tous profondément touchés, a fait ressortir le rôle déterminant de la société civile, sa fragilité aussi mais son avenir prometteur.
Rôle déterminant en ce que la société civile est libre, non liée aux gouvernements ni aux institutions et qu’en ces temps de crise profonde, « temps de métamorphose », selon l’expression d’Edgar Morin, elle a pour vocation de lutter contre les processus de déshumanisation ( non les détenus ne sont pas des déchets de la société) et elle a une capacité à vivre l’interdépendance dans une solidarité joyeuse. Elle a aussi cette magnifique capacité d’innovation là où les politiques gouvernementales sont défaillantes.
Mais fragilité également de cette société civile qui doit agir au cœur d’une grave crise de gouvernance qui prend de multiples aspects : autoritarisme, corruption, prépondérance des questions financières et de l’argent.
Et pourtant, cette fragilité est une chance, car cet esprit de pauvreté c’est continuer à avoir le sens de la mesure.
L’avenir de la société civile est prometteur, c’est un laboratoire de transparence et de participation démocratique, c’est un outil de vigilance en matière de droits de l’homme, c’est un outil promoteur de sens.
Un buffet à l’issue de ces débats très riches, a permis de poursuivre les discussions et ont favorisé les échanges …un verre à la main.
Groupe des Amis de la Vie de Lyon