Michael Lapsley, prêtre néo-zélandais, militant de la non-violence, a été récemment l’invité des Amis de La Vie et de l’Ecole de La Paix à Grenoble. Cet homme d’exception vient de publier « Guérir du passé : Du combat de la liberté au travail pour la paix » (Éditions de l’Atelier). Le récit de Richard Pétris, directeur de l’Ecole de La Paix.
Manifestement, ce n’est pas sa propre personne qui préoccupe d’abord l’ancien militant anti-apartheid Michael Lapsley qui a payé d’un grave attentat son engagement aux côtés de ceux qui combattaient ce système. Il s’est, depuis, totalement investi dans l’action non-violente et pour la réconciliation. Il s’est guéri lui-même, en quelque sorte, et porte témoignage partout où il passe.
Un atelier de travail à l’Ecole de la paix, lors de sa venue à Grenoble, le 17 février dernier, a permis de passer de l’Afrique du Sud d’aujourd’hui à la Colombie que nous cherchons à aider à sortir de son conflit interne. Nous avons également parlé du Cambodge en présence de l’ancien juge du procès des Khmers Rouges, Marcel Lemonde, qui souhaite contribuer à la reconstruction de ce pays meurtri. Enfin, nous avons évoqué la Tunisie où une équipe de l’Ecole de La Paix aide depuis 4 ans à la construction d’une expérience de démocratie arabe. Mais le terrain français était présent aussi qui, à propos des événements de janvier, a conduit le visiteur à partager quelques interrogations fondamentales : « Devons-nous nous battre contre ou pour ? », « Où sommes-nous et que cherchons-nous ? »
Les questions principales touchent, en effet, à la réconciliation, l’histoire, la démocratie, la solidarité, la coopération… Des leçons sont à tirer pour rendre possible cette guérison de la mémoire et qui ont effectivement valeur universelle. La France n’a pas encore affronté, ni intégré l’héritage de cette dimension conflictuelle de son histoire, celle de ses conflits coloniaux, en particulier au Maghreb. Cet héritage occulté pèse aujourd’hui encore sur le processus d’intégration de ses jeunes citoyens issus de l’immigration nord-africaine. Michael Lapsley insiste précisément sur la nécessité de « mettre le passé sur la table », sur la confrontation avec la vérité et sur le dépassement des tabous.
Du côté de l’Ecole de la paix, l’expérience la plus probante demeure celle de la construction européenne qui fait que l’Allemagne et la France sont effectivement réconciliées. La fameuse déclaration Schuman de 1950 qui lança cette aventure de paix ne commençait-elle pas par cette exhortation : « La paix mondiale ne saurait être sauvegardée sans des efforts créateurs à la mesure des dangers qui la menacent » ?
Finalement, il faut se demander comment nous apprenons aux jeunes ou comment nous les aidons à devenir des acteurs de paix. Deux mouvements sont déterminants pour relever le défi de la transmission et de l’éducation :
- celui qui, allant des anciennes vers les nouvelles générations, permettra aux jeunes d’entrevoir un « avant eux-mêmes »
- celui qui, par une interaction entre « ici » et « là-bas » fera aussi de ces jeunes de véritables citoyens du monde.
Richard Pétris, directeur de l’Ecole de La Paix, Grenoble.