Françoise Devaux, Amis de La Vie du Val d’Oise a assisté à une conférence avec des militantes féministes du Yemen, de Palestine, de Tunisie et du Maroc au FSM de Tunis. Malgré leurs particularités, toutes cherchent des solutions pour dialoguer avec les plus jeunes. Récit.
Jeudi 26 octobre 2015, la rencontre se déroule sous une tente de 11h30 à 14h. Au programme : « Les mouvements féministes et le GAP des générations. », une campagne de sensibilisation régionale (Yemen, Palestine, Tunisie, Maroc) avec 15 ONG et OXFAM sur « le leadership féminin ».
Hoda, libanaise salariée d’Oxfam était notre traductrice lors de la conférence. Je suis la seule française à être restée pendant toute la conférence et je remercie Hoda pour son accompagnement en espérant ne pas avoir trahi la démarche.
Préambule
Les premières féministes ont vu leur rôle limité au social mais, pour les femmes qui participent à ce réseau, il ne suffit pas de condamner les violences faites à la gent féminine et de revendiquer le respect de leurs droits. Les Tunisiennes sont particulièrement motivées car le gouvernement issu des urnes comprenant des islamistes et la nouvelle constitution font planer une menace grave de perdre les acquis.
Une de leurs préoccupations est de comprendre les différences de comportement entre la première génération de féministes et les jeunes.
C’est une motivation à créer de nouveaux réseaux et à rechercher de nouvelles stratégies d’action. Les membres du réseau ont compris qu’elles doivent s’unir pour agir sur les lois de leur pays si elles veulent sortir durablement de la soumission dont elles sont victimes depuis toujours. Une de leurs préoccupations est de comprendre les différences de comportement entre la première génération de féministes et les jeunes, cette nouvelle génération qui ne croit plus en l’avenir et semble démotivée.
La modératrice de la conférence est une Palestinienne. Chaque représentante présente son approche des problèmes de son pays en commençant par un rappel historique.
Yémen ( foulard rouge sur la photo) “des reines puissantes par le passé”
La représentante présente son pays fortement marqué par une tradition patriarcale et tribale et rappelle que des femmes (des reines) ont eu dans le passé un rôle important en s’opposant au colonialisme anglo-saxon et à la corruption. Mais aujourd’hui, beaucoup de femmes sont encore analphabètes dans les campagnes et sur trente quatre ministres seulement quatre sont des femmes ! Un essai d’harmonisation est en cours entre le gouvernement, les partis politiques (dont le parti socialiste) et la société civile pour avoir une approche globale du développement incluant les femmes.
Maroc, Fatima Mecaoui (FLDF) “une crise de méthode”
Après avoir participé à la lutte contre la colonisation à partir des années cinquante, les Marocaines travaillent à un projet social et politique pour une meilleurs démocratie. Elles ont obtenu des lois sur la citoyenneté et sur la famille, mais il y a toujours eu beaucoup de résistance de la part du système. Elles sont constamment confrontées à des tentatives de diluer leurs luttes dans le mouvement général, surtout dans les campagnes. Les tentatives lancées vers les jeunes les ont amenées au constat suivant : plus qu’une crise de réflexion ou de conceptualisation, c’est à une crise de méthode qu’elles sont confrontées. Il faut trouver des méthodes de transformation de la société qui soient plus inclusives.
Palestine (MIFTAH) “un regard négatif des jeunes”
Le début des luttes populaires pour la liberté remonte à 1920, mais seules les femmes appartenant aux élites éduquées y participaient. En 1929, neuf femmes palestiniennes ont été tuées. Les Palestiniennes ont toujours mis en valeur leur arabité. En 1964 avec la création de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) elles ont tenté de se politiser et ont participé à la première Intifada. Après les accords d’Oslo, le mouvement féministe a commencé à s’institutionnaliser et il n’y avait pas de différence entre les générations. Mais la Palestine a récupéré des lois jordaniennes très archaïques et la Constitution n’a pas permis de faire entrer des jeunes. Il y a donc une grande disparité entre les mouvements pour la cause palestinienne et le regard des jeunes sur le féministe est négatif.
Tunisie, Karina El Saïdi (ARFURD) “pourquoi certaines femmes deviennent islamistes ?”
Le problème du type de relation à entretenir entre les générations est clairement posé : conflit ou interaction ? Comment faire entrer les jeunes dans la problématique d’un féminisme appartenant à la cause humaniste : justice et égalité obtenue grâce à l’accès aux droits et à la fin des violences matérielles et morales ? Des interrogations sont exprimées : Pourquoi des femmes sont-elles amenées à soutenir les thèses islamistes lorsqu’elles participent à des gouvernements ? Pourquoi certaines deviennent-elles terroristes et commettent des crimes ?
Deux raisons sont avancées : une crise d’identité et une crise de communication.
Le problème identitaire s’expliquerait par le passage du SOI qui caractérisait la première génération au MOI pour la nouvelle.
Quelle stratégie pour inclure les jeunes dans la pensée féministe ?
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Dynamique de groupe : éducation par les pairs.
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Théâtre interactif et jeux de rôle.
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Volontarisme (encourager le bénévolat).
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Développement du leadership des jeunes.
“Elles n’ont pas de leçons à recevoir des féministes françaises ou occidentales”
Il me semble que le niveau de réflexion des femmes qui ont animé cet atelier est d’une très grande qualité et qu’elles n’ont pas de leçons à recevoir des féministes françaises ou occidentales. Quant au soutien que leur apporte OXFAM, il les encourage à travailler dans le même sens que le CCFD-Terre Solidaire1 qui est de permettre à toutes les femmes du monde de devenir actrices de transformation sociale pour un monde plus juste et plus humain.
Un partenariat avec les hommes serait peut-être plus de l’ordre de l’altérité que de l’égalité, comme l’a écrit Bénédicte du Chaffaut sur le panneau d’évaluation du CRID, lors de la clôture de ce FSM.
Françoise Devaux,
1 OXFAM et le CCFD-Terre Solidaire sont souvent partenaires dans le soutien aux associations de développement dans le monde.