Les Amis de La Vie participant au FSM de Tunis ont vécu une soirée inouïe le jeudi 26 mars à l’occasion d’un café politique franco-tunisien. André Harreau, Amis de La Vie de Lyon, partage avec nous les questions que les Tunisiens lui ont posées ce soir-là.
Aux questions posées par les Tunisiens jeudi 26 mars, je réponds :
Que pensez-vous de la révolution tunisienne ?
Quel bonheur, pour moi qui ai vécu en Tunisie il y a une cinquantaine d’années, de retrouver les Tunisiens si accueillants (toujours le mot « bienvenue ! » à la bouche), si capables de tolérance, avec un grand appétit pour une vie collective apaisée !
Le printemps arabe, que les Tunisiens appellent la « Révolution » m’a rempli de joie. J’y ai vu l’efficacité non-violente, spécialement de tous les jeunes, les jeunes femmes, en particulier.
Je pense qu’un des cadeaux de Bourguiba à la Tunisie a été de ne pas la doter d’une armée puissante. Cela l’a aidée à franchir sans trop de « casse » les premières années depuis la chute de Ben Ali.
Nous Français, nous devons faire pression sur notre gouvernement et sur l’Union européenne pour que nos pays se sentent responsables de la fragile démocratie tunisienne. Même si la mondialisation précarise tous les pays et si le néolibéralisme et la financiarisation de l’économie créent de plus en plus de chômeurs et de laissés-pour-compte, y compris chez nous, nous devons vous apporter à vous Tunisiens toute l’aide nécessaire pour renforcer vos équilibres économiques. Cela en nous abstenant de tout « néo-colonialisme ».
Êtes-vous Charlie ou non ?
Je suis descendu dans la rue pour manifester ma solidarité avec tous nos compatriotes qui veulent le respect de la liberté d’expression et qui refusent la violence et le meurtre. Mais je pense que la liberté d’expression doit se limiter lorsque son usage risque de blesser certains de mes frères, en l’occurrence, les musulmans. Je veux ajouter cependant qu’en tant que catholique, je ne suis pas blessé lorsque l’on se moque du pape ou de Jésus. Si cela peut arriver, j’en suis peiné, mais cela ne m’empêche pas d’être heureux de vivre dans un pays dont la vie sociale n’est plus placée sous l’autorité de l’institution catholique. Si celle-ci peut être impunément attaquée de toutes sortes de manière, y compris par les caricaturistes, cela veut dire que mon pays est vraiment le pays de la liberté. La liberté est un bien fragile qu’il faut donc protéger dans les limites demandées par le respect des lois.
Cela m’amène, chers Tunisiens, à compléter mon avis sur la réussite de votre « révolution ». Je ne vous cache pas que le retour en force des Frères musulmans m’inquiète. Vous devez être attentifs à protéger, vous aussi, votre liberté chèrement acquise pour que, même en tenant compte de votre histoire et de votre culture, vous ne laissiez pas votre religion être l’organisatrice principale de votre vie collective.
André Harreau, du groupe du Rhône.