Jean-Claude Escaffit, qui fut journaliste à La Vie et directeur de l’association des lecteurs raconte sa quête de la vérité, 54 ans après la mort de son père en Petite Kabylie. Un récit poignant préfacé par l’écrivain algérien Yasmina Khadra.
Mon père, un héros disparu ou un homme condamnable ? Ce livre est la quête de la réponse à cette question brûlante qui a taraudé toute sa vie notre ami Jean-Claude Escaffit. Il avait neuf ans quand son père, officier SAS (sections administratives spécialisées) a été tué le 3 octobre 1959 au poste d’el Draden, dans la montagne en direction d’ Hamza. Soif de vérité au-delà du devoir filial de mémoire. L’auteur est donc parti en famille, en 2013, en Petite Kabylie, sur la piste des empreintes paternelles, aidé localement par des amis algériens touchés par sa démarche.
À El Draden, il se recueille sur le lieu présumé du décès et avec son frère enfouit sous terre un message au dos d’un cliché familial. Ni plaque ni croix ni fleur. « J’ai mis trois lignes autour du sens de la mort de notre père. Qu’elle puisse être aujourd’hui un signe apaisé de réconciliation et de paix sur cette terre si tourmentée ». Son accompagnateur, Rachid a été très ému de ce geste.
Un témoignage tardif de Serge, un appelé qui était sur les lieux, a permis à Jean-Claude de se rassurer sur l’humanité de son père, 54 ans après le drame. Il craignait tellement de découvrir que ce dernier participait aux exactions terribles, celles du contingent français qui, parfois, brûlaient les maisons, tuaient ou torturaient les fellaghas en réponse à leurs propres tueries. Des représailles qui ont eu lieu effectivement dans le village voisin, quelques jours après l’attentat où le capitaine Escaffit et ses camarades, ont été déchiquetés par une bombe.
Au cœur de cette petite Kabylie, où les kalachnikovs continuent à cracher la mort aujourd’hui, il a croisé des hommes comme lui, meurtris par le passé et le sang versé de part et d’autre. Sur le lieu de l’explosion, il a écouté le récit funeste de la voix même d’un des anciens meurtriers de son père. Une vraie tragédie grecque.
De retour en France, Jean-Claude Escaffit a cherché à reconstituer le puzzle des mémoires éclatées. Frénésie de recherches. Une course contre le temps, la génération de la guerre d’Algérie est en train de tirer sa révérence. Appel à témoignages, fouille dans les archives de la Défense, consultation des associations d’anciens combattants et de rapatriés. Il devait apaiser son désir de connaître toute l’épopée paternelle.
Ce livre est un message fraternel lancé comme un pont entre les deux rives de la Méditerranée. Un désir de dénouer les mémoires meurtries. Une volonté de créer, au-delà de toutes les souffrances passées, une démarche de réconciliation. Loué soit-il.
Claire Cherblanc
Sur les traces du père. Questions à l’officier tué en Algérie, par Jean-Claude Escaffit. Editions Salvator, 18 euros.