Invité de l’université d’été des Amis de La Vie, l’Ancien ministre de la Santé Jean-François Mattéi a donné une conférence sur le thème « Biologie, médecine, de quoi sommes nous capables ? ». Pour le professeur de pédiatrie et de génétique tous les possibles ne sont pas souhaitables. Rencontre.
De nos jours, la médecine ne cesse de se perfectionner. Sommes-nous voués à devenir invincibles ?
J-F M : Non je ne crois pas. D’abord, parce que les obstacles sont considérables. Par exemple, les antibiotiques nous permettent de vaincre un certain nombre de maladies mais ils favorisent aussi leur apparition. Les difficultés sont donc suffisamment grandes pour que nous ne puissions pas espérer un jour les dominer totalement. Par ailleurs, les catastrophes naturelles sont aujourd’hui de plus en plus fréquentes et violentes. Cela pose de nouveaux problèmes. L’intelligence de l’Homme est donc sans arrêt soumise à l’affrontement de difficultés, anciennes ou nouvelles. De fait, l’Homme ne peut pas espérer pouvoir se reposer un jour en n’ayant plus rien à faire !
Le prolongement de la vie, rendu possible grâce aux nouvelles technologies, est-il réellement souhaitable ?
J-F M : Ce sujet est d’une très grande complexité parce qu’il y a la durée de la vie et la qualité de la vie. À quoi servirait-il d’espérer augmenter la durée de la vie si ce prolongement se traduisait par des périodes de souffrance et de dépendance? On ne peut pas dissocier la longévité de la qualité de la vie. Je ne suis pas certain que nous puissions lutter contre l’usure du temps, même sur le plan de la physiologie. Nous pouvons retarder l’échéance mais pas la supprimer et atteindre l’immortalité. Il reste un aspect, plus philosophique, celui de savoir ce que ce qui fait l’intérêt de la vie. N’est-ce pas le fait qu’un jour elle va s’arrêter ? Si la vie était éternelle ne serait-elle pas remplie d’ennui ? N’est- ce pas la finitude de l’Homme qui fait l’intérêt de l’existence ? Le secret du bonheur ne se trouve pas dans la quête d’immortalité.
À force de concentrer les recherches sur le corps et son bien-être, n’oublie-t-on pas de prendre en compte notre esprit ?
J-F M : J’en suis convaincu. Si l’on accepte l’idée que la personne est à la fois corps et esprit, poursuivre le bien-être du corps, en délaissant totalement l’esprit, conduirait à une claudication malheureuse. Que serait un esprit malheureux et délaissé dans un corps choyé et soigné ? Je pense que la recherche est dans l’équilibre. Quand l’esprit va mal, le corps ne va pas très bien non plus. Une personne atteinte dans son corps qui souffre physiquement ne peut pas avoir l’esprit libre, tranquille, et heureux. À l’inverse, une personne atteinte par la peine, le doute et la souffrance morale ne peut pas se sentir bien dans sa peau. D’ailleurs, vous connaissez la formule « un esprit sain dans un corps sain » !
Propos recueillis par Delphine Feillée
Pour aller plus loin, écoutez la conférence en entier.