Pour Gabriel Ringlet, prêtre, théologien et écrivain belge, les rites restent nécessaires, notamment au sein des religions, où ils tendent toutefois à évoluer.
par Ben Monnet
Le rite. Quatre lettres et tant de réalités qui viennent à l’esprit pour le définir. Un rite, d’après le dictionnaire Le Robert, c’est « l’ensemble des cérémonies en usage dans une communauté religieuse». Il correspond, selon son étymologie, à un ordre prescrit de ce qui est au-dessus de soi, qui dépasse l’individu. Selon le prêtre et théologien Gabriel Ringlet, « c’est tout un processus qui utilise des choses très concrètes, des couleurs et des parfums par exemple, que l’on agence pour que leur utilisation s’inscrive dans une histoire. Le rite raconte une histoire. » Dans la Bible, lorsque Dieu choisit le futur roi d’Israël, il charge Samuel d’oindre d’huile l’élu David. Pour Gabriel Ringlet, l’onction de chaque enfant lors des baptêmes, vise, en un sens, à faire d’eux des petits rois et des petites reines. « La vie de l’homme est une vie respirée, dans laquelle on est amené à rechercher ce qui donne du souffle, explique-t-il. La vie spirituelle en est habitée, ce qui s’exprime en partie dans le rituel. Célébrer c’est donner à l’humanité plus d’humanité, faire avec « de l’ici » de « l’au-delà ». »
Le rite, porteur de vécus partagés
Patrick et Valérie, un couple de catholiques, ont instauré un rite familial : une prière quotidienne, sous la forme d’une bénédiction du repas, où chacun peut se confier s’il le souhaite. « La seule chose précieuse qu’on peut s’offrir c’est le temps » estime Patrick. Le rite entre dans la régularité, il balise des moments dans la journée. « Pour moi, le geste dans la célébration a de l’importance, comme par exemple l’onction du bébé lors de son baptème, qui porte un véritable sens » témoigne de son côté Agnès.
Si l’on considère la naissance, l’alliance et la mort comme les trois grands passages de la vie, on se rend compte de la présence du rite dans chacune de ces périodes, dans toutes les religions et toutes les anthropologies. Une naissance constitue par exemple une célébration dans toute société. Les rites sont réinventés dans ce qu’on appelle aujourd’hui les routines, qui se retrouvent absolument dans tous les quotidiens.
À bout de souffle, le rite a besoin d’un nouvel air
Agnès, explique cependant que le rite peut éloigner de la foi et de l’évangile. Dans son diocèse, elle regrette que trop d’attention soit portée à ces rites qui entravent presque le message et la pratique du christianisme. Si le rite prend le pas sur la recherche personnelle, il peut alors être vu comme un frein sur la recherche de sens. Patrick évoque lui un possible caractère emprisonnant du rite. « L’enjeu est de conserver les rituels comme des outils et surtout pas comme des enjeux de pouvoir, et encore moins comme des finalités, pour que le rite apporte la liberté et non l’emprisonnement. »
« Si les rites sont aujourd’hui rejetés dans beaucoup de religions, c’est parce qu’ils ne sont plus à jour et ne sont plus compris » soutient Gabriel Ringlet. Selon lui, si le baptême catholique a moins de sens en 2023 c’est d’abord parce que les rites qui lui sont associés n’ont plus de sens pour un grand nombre de non-croyants. Il peut y avoir d’autres manières de faire, comme adapter le rite à la célébration pour que celle-ci prenne sens. Le théologien belge propose, par exemple, aux membres de la famille de l’enfant baptisé, d’apporter de l’eau de sources proches de chez eux, afin de donner un sens familial à l’eau du baptême.
Gabriel Ringlet raconte l’histoire de Salomé, une jeune femme tombée dans le coma suite à un accident de voiture. Les membres de sa famille pensent qu’ils doivent la laisser s’en aller, mais ont à cœur d’organiser une célébration. Celle-ci a finalement pris place dans le prieuré de Gabriel Ringlet, où ses proches ont enseveli ses cendres, poignée par poignée, sous un magnolia. « Alors que la vie et la mort peuvent être si liés, si proches, le rite et la célébration peuvent permettre aux croyants d’expirer, avant de reprendre souffle, et de coller aux événements une temporalité et un sens unique. » conclue le théologien.
Un article de Ben Monnet