Olivier Nouaillas : “Au revoir. Et à bientôt !”

Journaliste à La Vie, spécialiste de l’environnement et bien connu des Amis de La Vie, Olivier Nouaillas prend sa retraite mais ne nous quitte pas tout à fait. Retrouvez-le dans “Planète verte”, sa chronique hebdomadaire sur lavie.fr et à l’université d’Assise le 26 septembre 2021. Nous partageons avec vous son discours de départ adressé à la rédaction.

Olivier Nouaillas, journaliste à La Vie, a pris sa retraite le 31 décembre 2020

        “Je suis entré à La Vie, il y a presque 40 ans, le 2 novembre 1981. Et je le dois à José de Broucker qui était mon directeur d’études au CFJ à Paris et qui était devenu entre temps directeur de la rédaction de La Vie. Moi, après un séjour de deux ans au Canada, j’avais été embauché en CDI au Télégramme de Brest, en poste à Morlaix puis à Lorient. Un jour, je reçois un coup de téléphone de José qui me dit qu’il a besoin en urgence de quatre journalistes en CDD pour remplacer des départs pour « Imagine », un projet de mensuel non confessionnel.  Je n’hésite pas une seule seconde : je connais La Vie, c’est une lecture familiale et c’est aussi ma famille de pensée, celle du christianisme social. Et même si – je vous rassure tout de suite – il n’y a aucun rapport entre ma venue à La Vie et l’élection de François Mitterrand, je me souviens d’une lettre publique de Georges Hourdin et Michel Houssin, alors les deux dirigeants actionnaires du groupe PVC, adressée à l’ensemble des journaux du groupe et qui disaient (je cite de mémoire) « d’accompagner avec bienveillance le changement politique vis-à-vis de nos lecteurs ». Ce fort ancrage politique et social, je le ressens d’ailleurs très vite car je me souviens aussi que l’un des premiers invités de la rédaction était Don Helder Camara, surnommé « l’évêque rouge » de Recife et ami intime de José de Broucker. Et je me trouve face à un tout petit bonhomme qui subjugue la rédaction par ses envolées et ses bons mots dont celui-ci : « Si je nourris un pauvre, on me dit que je suis un saint. Si je demande pourquoi le pauvre n’a pas de quoi se nourrir, on me traite de communiste ».

          Tout cela pour vous dire que l’histoire de La Vie, pas la mienne, celle d’un journal fondé en 1945 par Georges Hourdin, au lendemain de la seconde guerre mondiale, est d’abord celle d’un engagement, qui est avant tout du côté de la justice sociale. Et personnellement, je suis toujours resté fidèle à cette histoire. Car elle n’est ni passéiste, ni figée, au contraire, elle est pertinente chaque jour un peu plus. Prenons juste un exemple de 2021 : face à la pandémie mondiale qui nous frappe en ce moment, croyez-vous un seul instant que nous sommes égaux devant la maladie ? Croyez -vous, par exemple, que le vaccin ou les vaccins seront accessibles partout dans le monde aux presque huit milliards d’habitants ?  Croyez-vous – autre exemple – que nous sommes égaux devant le changement climatique, l’un des plus grands défis du siècle à venir ?

            40 ans dans un même journal en CDI ce n’est pas rien, et je pense que les plus jeunes de la rédaction de La Vie doivent me regarder avec un mélange de curiosité et d’incrédulité. Peut-être d’ailleurs que le Muséum d’Histoire Naturelle va bientôt m’accueillir dans sa galerie des espèces en voie de disparition, à côté des fameux dodos. En fait, ici, j’ai eu trois vies et elles m’ont toutes plu : d’abord la première de 1981 à 2000, où j’ai suivi la politique, l’agriculture et surtout le social. On faisait des reportages formidables qu’on appelait le « sept pages » où on partait dans un endroit pendant une semaine avec un photographe (il y avait à l’époque trois photographes dont mon ami Christian Boisseaux Chical). J’ai fait presque toute la France des restructurations, c’est-à-dire des licenciements et du chômage montant : Longwy, Oignies, Valenciennes, La Ciotat, Dreux,  … que des endroits touristiques et riants … J’ai fait des enquêtes sur les nouveaux pauvres, la lutte contre l’exclusion, la réduction du temps de travail, le revenu minimum d’insertion, autant de priorités du journal … J’ai interviewé Edmond Maire, Jacques Delors, René Lenoir, Pierre Bourdieu, l’Abbé Pierre, Coluche, Renaud et tant d’autres…

           Puis, en 2001, ma seconde vie débuta avec l’arrivée de Max Armanet (l’un des sept directeurs de la rédaction que j’ai connus) et qui me proposa un poste hiérarchique : celui de chef du service « Monde en Marche », que j’ai accepté à reculons, car cela impliquait de renoncer aux reportages que j’aimais tant. Mais contrairement à ce que je pensais, j’ai éprouvé beaucoup de plaisir à animer une équipe d’une douzaine de journalistes, en y incluant les pigistes à l’étranger. C’était notamment la grande époque des sommets altermondialistes où des citoyens et des militants associatifs, venus de tous horizons, voulaient « changer le monde ».

        Et puis ma troisième vie, vous la connaissez mieux car c’est la plus récente, c’est celle de l’écologie qui débuta avec le sommet sur le climat de Copenhague en 2009. Tous les sujets écologiques que j’ai traité ont toujours trouvé une place de choix dans La Vie et j’en suis très reconnaissant au journal. Le palmarès de l’écologie, la couverture des sommets internationaux mais aussi le jardin écolo de nos lecteurs, les interviews des principaux acteurs de l’écologie (Nicolas Hulot, Cyril Dion, Pierre Rabhi, Dominique Bourg et tant d’autres), le renfort inattendu de l’encyclique Laudato Si, la percée de l’agriculture bio,  les reportages sur les conflits environnementaux (Notre Dame des Landes, La ferme des 1000 vaches, et…), mais aussi sur ces naturalistes qui veulent sauver les abeilles, les oiseaux… Que du bonheur ! En plus, pour finir dans cette bizarre année 2020, j’ai eu la chance de participer à deux très belles aventures : celle du Hors série sur le génie de la Nature et celle de l’Atlas de la Terre, co-édité par le Monde et la Vie et qui sortira en février 2021.

               Aussi, à la veille de mon départ en retraite et quand je me retourne sur ces 40 ans, ce qui l’emporte ce sont vraiment les bons souvenirs. J’ai adoré ce métier et j’ai vécu intensément les battements de cœur de la rédaction de La Vie notamment à travers les nombreux engagements collectifs (syndicat, comité d’entreprise, association du personnel) que j’ai pris dans l’entreprise. Et là, maintenant, tout de suite, j’ai surtout envie de vous dire une seule et dernière chose : merci à vous pour tous ces échanges, merci aux lecteurs pour leur fidélité, et merci à La Vie de m’avoir permis d’avoir eu cette belle vie. Puisse-t-elle continuer sous d’autres formes …

Olivier Nouaillas  (le 4 janvier 2021)

Depuis début janvier 2021, vous pouvez retrouver la chronique hebdomadaire « Planète Verte » d’Olivier Nouaillas sur lavie.fr,

dans les rubriques «Idées» et «Ecologie».