Pour le premier jour de l’Université d’été des Amis de La Vie, le philosophe Jean-Philippe Pierron a posé l’enjeu moral de la santé. Récit d’une ouverture propice à la réflexion.
“Un journal s’écrit avec ses lecteurs”. La devise des Amis de La Vie, qui s’affiche à l’entrée du Centre du Lazaret, à Sète, a interpellé le philosophe Jean-Philippe Pierron, venu inaugurer cette 17e Université d’été de l’association. C’est en proposant de lier cette question du soin pour la lecture (et donc, du journal) à la manière de prendre soin de soi en tant qu’enjeu de santé, qu’il a ainsi introduit son intervention.
Ce professeur de philosophie morale et politique à l’université Lyon III, débute cette conférence d’ouverture en proposant au public d’aborder la question de la santé par une approche altruiste : celle de l’attention que l’on porte à soi-même, mais aussi aux autres et au monde. En d’autres termes, considérer la santé au croisement de multiples enjeux, notamment politiques, spirituels ou encore existentiels. Un questionnement en trois parties qui structurera toute la semaine de l’Université d’été.
Un enjeu à la fois personnel et communautaire
D’entrée, Jean-Philippe Pierron a commencé par rappeler au public la diversité du mot santé, qu’il est nécessaire de préciser. Ainsi, d’un simple « silence des organes » – expression du médecin et biologiste Bichat – à un « état complet de bien-être physique, mental et social » selon la définition de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), la santé recouvre bien des aspects. Dominique Fonlupt, rédactrice en chef adjointe à La Vie et directrice de l’association des lecteurs, explique d’ailleurs avoir choisi ce thème « car il n’avait jamais été abordé auparavant, malgré le fait qu’il soit un enjeu à la fois personnel et communautaire touchant directement à notre sensibilité ».
Attention à la sectorisation du soin
Une diversité d’enjeux que Jean-Philippe Pierron a tenu à illustrer par toutes les façons de penser le soin. A commencer par sa place dans la langue. Le français est en effet assez pauvre par rapport à l’anglais, qui compte deux manières de désigner le soin (« cure » et « care ») et trois pour la maladie (« illness », « sickness », « disease »).
C’est en insistant sur la dimension d’attention aux autres que la conférence d’ouverture s’est poursuivie. Une attention qui serait menacée par une tendance à trop sectoriser le soin, effet collatéral du néolibéralisme selon Jean-Philippe Pierron. « Que devient le métier de soignant lorsqu’on applique à son enseignement les règles de l’industrie ? » a questionné le philosophe.
Une réflexion aussi dense que passionnante qui a enthousiasmé le public, visiblement ravi de venir échanger et réfléchir autour des enjeux de santé, dans un cadre sétois si propice. A la fois par la proximité de Montpellier, qui accueille la première faculté de médecine au monde encore en exercice, et par l’histoire du Lazaret, à l’origine centre thérapeutique fondé par le pasteur Lucien Benoît.
Margot Cotrelle et Mélissa Seyler