En Corrèze, avec le frère Noël Marie Rath : “Vivre du Christ avec Marie”

À la fin d’une très chaude après-midi d’été, une trentaine d’Amis de Corrèze se retrouvés à la Pagésie, près de Beynat, dans le parc ombragé de la maison de Gisela. Des bancs étaient disposés autour d’un superbe tilleul pluri-centenaire. C’est là que le frère Noël Marie Rath a animé une conférence débat sur le thème :  “Vivre du Christ avec Marie”. Un récit de Madie Roger Ndiaye

Avec finesse, dans un style à la fois simple, convaincu et enthousiaste, le frère Noël Marie Rath rappelle en premier lieu avec force le cœur de sa foi : le Christ ressuscité. La lumière de Pâques irradie le monde comme la lumière de la création. Tout part de là, tout s’enracine dans le Christ vivant et nous continuons à être illuminés par cette  lumière. A ce propos, le frère Rath relève que le terme de résurrection est un mot dérivé du latin qui n’a pas d’équivalent en grec ni en hébreu. Les évangiles emploient des images : “Il s’est levé, Il s’est éveillé” évoquant un mouvement, un surgissement, une dynamique de vie. Les premiers mots du Ressuscité sont “la paix soit avec vous”. Toutes les forces de vie sont là, épanouissement, joie, lumière. Comment se laisser pénétrer par cette lumière ?

 

 

C’est là que Marie peut nous aider à mieux vivre en chrétiens. Face aux écrits évangéliques,  trois approches sont possibles. La première est une lecture historique (étude  de la construction des textes, datation). La seconde, une pratique chrétienne  avec ses rites et ses sacrements. La troisième, c’est une révélation, une nouvelle vision du monde, un art de vivre lié à la lumière de Pâques, une nouvelle façon d’être où Marie peut être notre éducatrice. Marie est la seule à être présente du début jusqu’à la fin des évangiles, depuis l’Annonciation jusqu’au Cénacle. Au Cénacle, “les apôtres étaient en prière avec Marie”. Le frère Rath insiste alors sur une conception du temps ou rien ne peut effacer ce qui a été, et où les êtres se rejoignent à travers les siècles : à chaque fois que nous sommes en prière, nous sommes avec tous ceux qui ont prié avant nous et nous sommes au Cénacle, avec les apôtres et avec Marie.

Nous avons tous été confiés à Marie au pied de la croix.  Dans le récit de la crucifixion de l’évangile de Jean, il est écrit. “Jésus voyant sa mère et, près d’elle, le disciple que Jésus aimait, il dit au disciple “Voici ta mère”. Il nous faut dépasser le simple registre affectif. Ces termes sont les mêmes que ceux prononcés par Jean Baptiste lors du baptême du Christ.” Il vit Jésus qui venait vers lui et il dit ” voici l’agneau de Dieu, celui qui enlève le péché du monde”. Les verbes voir et dire appartiennent au “schéma de révélation”. En confiant Jean à Marie, “voici ta mère”, c’est nous tous qui sommes confiés à Marie.  C’est elle qui sera notre éducatrice, l’exemple par excellence de la vie chrétienne. Comment a-t-elle vécu ? Comment peut-on la considérer comme un modèle de foi ?

Son exemple doit nous “dynamiser”. Elle reçoit la joie de l’accueil de l’Evangile: “Réjouis toi Marie”. Cet appel à la joie est adressé à tous. La joie est la marque du chrétien. Le frère Rath rappelle à ce propos la phrase terrible de Nietzsche :” je croirai le jour où les chrétiens auront une gueule de sauvés”…. En fait la promesse de l’Annonciation s’adresse à tous : “l’Esprit Saint viendra sur toi”. Nous devons pouvoir l’entendre dans notre petitesse, notre faiblesse. Nous devons l’accueillir, y répondre même si nous n’avons pas par nous même la force de le faire.

Reprenons les termes choisis par le frère Rath : nous sommes “illuminés”, “confiés”, “dynamisés”, et pour finir nous sommes “associés” à la vie de Marie qui vit du Christ. Cette association se manifeste à travers le Magnificat. ” Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur”. Les termes évoquent la force vitale de cette dynamique. Le terme d’âme n’existe pas dans la conception hébraïque ; il s’agit en fait de l’intégrité de la personne, avec son corps. Quant à “esprit”, c’est l’espace de la personne ouvert à l’Esprit Saint. “Sauveur” est une annonce de la venue de Jésus, Jeshua, “celui qui sauve”. La crainte de Dieu est la simple reconnaissance de notre situation de faible créature, confiante dans sa miséricorde. Le terme “La force de son bras” a été compris entre autres par Saint Jean Eudes comme le Christ lui-même. Les “humbles” sont ceux qui, par leur extrême humilité, sont en proximité avec Dieu. “Israël ” rappelle tous ceux qui écoutent (sh’ma Israël…). Quant à la descendance d’Abraham, c’est l’humanité toute entière. Cette prière du Magnificat, dont tous les termes sont repris de l’Ancien Testament, est à la fois une synthèse de ce dernier et l’annonce de la libération du Sauveur. C’est une profession de foi  inspirée, qui est là pour nous.

La conférence a été suivie d’un débat pendant lequel différentes sensibilités se sont exprimées, en particulier celle du Père Joseph, originaire du Burkina Faso, qui a exprimé avec chaleur l’attachement de l’Eglise catholique africaine à “Maman Marie”, en insistant sur les différences entre protestants et catholiques sur deux éléments majeurs : Marie et l’eucharistie. Le frère Rath a lui au contraire souligné les convergences qui petit à petit se font entre catholiques et protestants sur la figure de Marie. On a également évoqué Marie portant une part de la douleur du monde, devant l’agonie et la mort de son fils qui suscite dévotion et prières autour des piétas. Une intervenante a rappelé  la part féminine de l’attitude de Marie – le frère Rath s’est empressé de dire  qu’en tout homme il y avait une part de féminin et de masculin- on a alors juste effleuré  un vaste sujet : le rôle des femmes dans l’église catholique.

Cet entretien nous a donné un aperçu de la pensée du frère Rath, cette manière de voir le monde, de vivre du Christ avec Marie. Son livre, qui porte justement ce titre “Vivre du Christ avec Marie”, édité par Salvator, nous fait méditer sur les onze pages de l’évangile marquées par le témoignage de Marie. Un ouvrage à lire et à méditer suite  à l’entretien chaleureux que nous avons en cette fin d’août, le mois de L’Assomption de la Mère de Dieu.

Madie Roger Ndiaye