Une semaine de conférence sur le thème de la résistance ne pouvait se passer sans un instant poétique. Mercredi soir, les Amis de La Vie ont assisté à « L’instant subtil », une pièce poétique, musicale et visuelle.
A la nuit tombée, c’est devant une salle pleine que le photographe François Diot, accompagné d’une musicienne iranienne, offre un voyage sensitif à travers le pays des Shah. Autour des œuvres de poètes médiévaux qui ont inspiré l’auteur, une rencontre se fait. C’est par le contact avec les gens que François Diot aborde le lyrisme persan, comme une « porte profondément ouverte sur l’ailleurs ».
“Transcendance, jeu de l’existence, rencontre de l’Homme ou du Divin sont autant de thèmes abordés.”
Les deux protagonistes placés d’un bout à l’autre de la scène occupent un espace intime à l’image d’un salon. Un deuxième espace se dévoile au public sous la forme de projections sur le mur de fond. On voit un diaporama de photos oniriques volontairement floues, illustrant la progression de la poésie déclamée par François Diot en français et chanté en farsi par sa partenaire. Grâce au « voile » présent dans ses photos, la lumière prend une forme qui pour certains peut paraître déroutante. Entrecoupés de leur traduction en français, les vers en farsi répondent comme un reflet dans un miroir. Bien que l’exercice fasse son effet, le farsi aurait pu avoir une place plus centrale, quitte à sacrifier la compréhension à la musicalité déroutante du persan.
Hafez, poète intemporel
Après avoir brisé le silence au son d’un Daf, un tambour traditionnel, le spectacle s’ouvre avec une vidéo. On voit des jeunes danser sur de la musique rock. Les paroles de cette chanson sont des vers du poète Hafez (1310-1337). Originellement chantés et dansés par les derviches tourneurs [NDLR : mouvement mystique musulman], ses poèmes -plus connu sous le nom de Rumi- ont toujours fait partie du cœur des Iraniens. Il s’en suit une réflexion sur la poésie, entre déclamations et musique, autour de la recherche d’un amour universel. Transcendance, jeu de l’existence, rencontre de l’Homme ou du Divin sont autant de thèmes abordés.
Le dialogue entre les deux protagonistes se transforme en dialogue avec l’invisible, le non vu, le subtil. En jouant avec sa racine latine « sub-tela » : sous le voile, François Diot nous dévoile une réalité dont l’interprétation est libre à l’instar des poèmes de Hafez. Le voile est aussi littéraire comme l’indiquent les artistes. Par l’usage de la métaphore subtile, les Iraniens ont pu contourner la censure, d’où la difficulté de traduction qui renvoie parfois un même poème à un sens différent. La transcendance du divin est une conception majeure dans le soufisme dont la philosophie imprègne la culture persane et cette œuvre. Le duo a su en témoigner.
Dorian Borissevitch et Clémentine Bonnet