François Burgat est politologue, directeur de recherches au CNRS et spécialiste du monde arabe contemporain. Auteur de « Comprendre l’Islam politique : une trajectoire de recherche sur l’altérité islamiste » (La Découverte, 2016), il est venu présenter une conférence intitulée : « Un problème avec l’Islam ? » à l’université d’été des Amis de La Vie.
Avant de développer sa vision, François Burgat souligne que sa méthode d’observation s’appuie sur l’immersion. Méthode que l’on retrouve par exemple en anthropologie, avec l’observation participante. Le chercheur soulève deux premières questions : Pourquoi le mot Islam génère-t-il de la passion ? Et pourquoi notre relation avec cet univers est-t-elle compliquée ? Selon lui, il faut considérer l’Islam non pas uniquement comme une religion, mais également comme une culture. Etant une culture religieuse éloignée de la nôtre, l’Islam relève de l’altérité.
Beaucoup pensent que si « l’autre » n’est pas exactement comme lui au niveau de l’identité, la cohabitation ne peut fonctionner. « Ce débat mobilise plus nos tripes que nos cerveaux », estime François Burgat. La culture musulmane ne suscitait pas autant de réactions autrefois car il n’y avait pas autant de confrontations entre le pays, l’Etat, et cette culture religieuse. Dans un contexte d’hégémonie culturelle et politique, il est difficile pour « nous » de s’en détacher. Chose en effet compliquée dans un pays où notre culture était, et reste pensée comme universelle, hiérarchiquement supérieure et légitime de par l’héritage qu’elle laisse à travers les générations.
Une laïcité excessive
A cela s’ajoute une laïcité excessive, presque anti-religieuse, selon François Burgat. Il indique également qu’il y a une fracture symbolique entre culture dominante française et la culture traditionnelle des pays arabes. Cette culture est donc politiquement mal représentée, sous représentée et parfois même instrumentalisée. Ce constat va de pair avec un phénomène majeur, le ressentiment colonial. La colonisation a été excessive. Notre conférencier a pris l’exemple de l’Algérie. « Pendant des années, nous avons construit des églises à Alger. Nous avons imposé notre culture comme universelle dans un pays colonisé. » Les anciens colonisés reviennent pour revendiquer l’universalité de leur culture. François Burgat évoque alors un développement d’un mode d’appropriation de la culture musulmane observable à travers la langue ou la pratique religieuse.
Un phénomène plus identitaire que religieux
C’est là que l’on se rend compte qu’il y a un phénomène plus identitaire que religieux. L’appropriation a pour but de ne pas s’intégrer dans le « moule identitaire » dans lequel le bon musulman français est censé rentrer pour être considéré comme « bon musulman ». Il souligne encore une fois les conditions culturelles que « nous » imposons et par extension, l’universalité de notre culture. Le conférencier a expliqué que l’extrémisme est le fruit de deux choses principales. D’abord la violence symbolique, puis la violence physique à laquelle les Musulmans font face, que ce soit dans leur pays d’origine ou dans leur propre pays. Le curseur de la violence extrême va pousser l’individu à défendre ce qui lui parait juste.
François Burgat a exprimé son point de vue sur la manière de se comporter face à l’Islam. Il prône le fait qu’il serait nécessaire de nous donner les moyens de connaitre « l’autre ». Il souligne également le fait qu’il y a des tas de gens que l’on n’entend jamais. « Il faut des musulmans qui montrent leur désaccord à la télévision ». Enfin, il serait nécessaire de mieux distribuer la visibilité symbolique. Et de conclure : « Le communautarisme de la minorité naît d’une réaction à un communautarisme de la majorité étant un peu trop dominant. La situation d’hégémonie en est pour quelque chose. Si le communautarisme dominant se montre plus tolérant dans son acceptation de la différence, on va aller dans le bon sens… »
Zacharie Raymond