Environ 120 personnes se sont retrouvées à Auch le 5 novembre 2016 à la salle Cuzin à l’invitation de l’ACAT (Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture) et de ses partenaires dont les Amis de La Vie faisaient partie.
La conférencière, Odile Barral*, ancienne juge des enfants et d’application des peines nous a fait part de réflexions et critiques issues du Syndicat de la Magistrature, de la Ligue des Droits de l’Homme et de l’inquiétude d’Amnesty International. Ces réflexions portaient essentiellement sur l’état d’urgence qui se prolonge, complété par la loi du 3 juin 2016 (renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale).
Cet état d’urgence et cette loi entraînent la multiplication des perquisitions faites à titre administratif pour « menace à l’ordre public », perquisitions en cas de « risque » ou de « menace » (parfois douloureuses d’après une enquête d’Amnesty International), des assignations à résidence administratives, non abouties parfois, perquisitions informatiques, surveillance de masse, etc.
Elle souligne le fait que ces mesures sont confiées aux magistrats du Parquet. La procédure judiciaire (par les Magistrats du Siège), basée sur des infractions, ouvrirait des possibilités de débat contradictoire plus importantes. Puis elle nous a expliqué la différence entre les magistrats du Siège (plus indépendants) et ceux du Parquet (statut dépendant du Ministère de la Justice, c’est-à-dire de l’État).
En novembre 2016, nous avons donc l’état d’urgence et la loi de juin 2016, des législations exceptionnelles supplémentaires qui restreignent nos libertés, fait remarquer Mme Barral. L’expérience montre qu’à partir de lois exceptionnelles, le champ d’application peut s’étendre au fil du temps. L’inquiétude de son syndicat est que c’est un grand risque pour l’avenir. Nous ne savons pas ce que sera l’avenir. Un cadre est mis en place qui peut entraîner de graves dérives.
Les policiers ont récemment manifesté leur ras-le bol, en faveur de l’accroissement d’une police de proximité : les prisons sont surpeuplées et les policiers accusent la Justice d’impunité, pourtant il y a eu 18000 condamnations, en à peu près 15 ans, pour outrages aux forces publiques.
La justice se fait mais ne peut se faire immédiatement, cela serait mauvais pour tous, même pour les victimes. Les policiers souhaiteraient étendre le champ de la légitime défense. Par ailleurs il y a une haine vis-à-vis de l’usage multiplié des contrôles d’identité dans certains quartiers, un fossé s’est creusé entre police et population. La Loi et le Droit ne peuvent pas tout empêcher.
L’inquiétude est que les lois exceptionnelles finissent par paraître pérennes et deviennent plus dangereuses que ce qu’elles étaient supposées défendre.
*Odile Barral est magistrat depuis vingt-trois ans et a été essentiellement juge de l’application des peines et juge des enfants, à Lyon, Nantes, Albi et Toulouse. C’est une militante des Droits de l’homme, membre d’Amnesty International. Elle est déléguée régionale au Syndicat de la magistrature. Forte de (ou grâce à) l’apport de son parcours elle nous donne son éclairage sur l’évolution du droit dans notre société après les attentats terroristes et l’application de l’Etat d’urgence en France. Elle est auteur entre autre de : “Des enfants en otage dans les conflits d’adulte” (2013) et “Les passeurs de muraille” (2007).
Les Amis de La Vie du Gers