Odette et Michel Normand, Amis de La Vie à Saint-Pair-sur-Mer (50), reviennent de Cuba où ils ont passé 15 jours et parcouru plus de 3 000 km. Leur récit, subjectif et sensuel !
Cuba n’est pas large, mais l’île est longue de plus de 1 200 km, et même un peu plus, car la pointe est n’est autre que Guantanamo, pas seulement la prison, mais un petit territoire où vivent entre 3 et 4000 Américains. Une petite ville avec logements, hôpital, école, golf, magasins… Mais on n’y entre pas.
Le voyage a été un peu fatigant. Les bus ne sont pas très confortables : tous de la même marque (chinoise), et de la même compagnie d’Etat. Les chauffeurs ne les apprécient pas mais tout cela est décidé en haut lieu et on ne tient pas compte de leurs avis. Quant à l’état des routes et autoroutes…!
“Il y a plus de voitures à cheval qu’à moteur.”
Le pays est plein de contradictions, un peuple attachant, qui vénère Fidel, le Che, la musique afro-cubaine omniprésente, jour et nuit ! (les boules Quiès peuvent être utiles), le rhum, le cigare, sans oublier les “belles américaines” ! Il y a plus de voitures à cheval qu’à moteur. Nous avons constaté le sous-développement économique d’un pays avec une terre et un climat propices et riches, mais qui n’est pas autosuffisant, alors qu’il devrait exporter dans ce secteur.
“Le régime politique communiste encore bien présent et asphyxiant, la peur et la crainte sensibles.”
La pauvreté est patente surtout à l’est. L’ennui d’une bonne partie de la population est masqué par le chant et la musique. Le régime politique communiste encore bien présent et asphyxiant, la peur et la crainte sensibles. Certes la santé est gratuite, comme l’éducation, mais pour former des spécialistes qui ne trouvent pas de débouchés sinon des emplois à 25 CUC = euros par mois, salaire unique, même si les personnes ont droit à un contingent de riz, huile, viande… Notre guide était professeur, et ses pourboires (20,00€ multiplié par autant de membres de notre groupe) représentent autant de salaires mensuels. Il avait eu un chauffeur qui était médecin spécialiste. Nous avons rencontré un interprète parlant bien l’anglais, itinérant, qui avait fait des études de sociologie, spécialisé dans les conflits familiaux, et avait travaillé comme jardinier dans un hôtel-club.
La religion ? J’ai lu dans un guide que les cubains étaient croyants mais non pratiquants. Et même si dans les campagnes on pratique avec une certaine ferveur un mélange de christianisme et d’animisme – vaudou, on ne sent pas partout une forte religiosité fervente. Les églises, souvent fermées, sont propres, bien repeintes (en blanc) mais à l’intérieur pas de magnifiques retables et vitraux comme au Mexique, ni la la ferveur de ND de Guadaluppe à Mexico et des jeunes indiens du Chiapas.
“On a en mémoire l’image forte de Francisco discutant avec Fidel en survêtement, tous deux “Anciens” des Jésuites.”
Nous sommes allés au sanctuaire national, près de Santiago de Cuba (à l’est), à ND del Cobre, où la Vierge en jaune est vénérée. Quelques fidèles, portant des fleurs tournesol, la couleur de la Vierge. Les églises sont bien entretenues. L’Eglise cubaine est-elle riche ou est-ce l’Etat qui s’en occupe ? Le guide athée nous a parlé à diverses reprises des voyages dans l’ile des trois derniers papes et tout récemment « Francisco », citant avec précision les dates et lieux visités dont la Messe solennelle place de la “Revolucion” ! Ils ont tenu à visiter ce pays de quelques 12 millions d’habitants, une goutte d’eau dans l’océan de la chrétienté. Pourquoi ? On a en mémoire l’image forte de Francisco discutant avec Fidel en survêtement, tous deux “Anciens” des Jésuites.
Le régime est quand même plus ou moins policier. Il y a les CDR (Comités de défense de la Révolution). Partout. Il y aurait 3,5 millions de membres, soit un quart de la population. Votre voisin, ami, frère ou beau-frère, sans parler des femmes peut en faire partie. J’ai vu un panneau CDR de quartier dans une zone bourgeoise et chic de bord de mer. Il faut sans doute être plus vigilant là encore ! Ailleurs dans une ville sur une porte un panneau “presidente del CDR). J’en ai parlé au guide : sujet délicat, a-t-il dit. Pourtant il vaut mieux “les avoir dans sa poche ». Ainsi ce sont eux qui désignent les candidats aux élections, parti unique, communiste bien sûr. Si vous n’êtes pas allés voter, une heure ou deux avant la clôture ils peuvent venir vous voir et vous conseiller d’accomplir votre devoir. Ce n’est pas obligatoire mais “conseillé “. Nuance ! On n’en saura pas plus.
“Lucidement -et je pense sincèrement- ils craignent de perdre leurs avantages (éducation, santé, minimum garanti) sans savoir ce qu’ils gagneraient.”
La bureaucratie est omniprésente, vaguement tatillonne. Le guide parlant très bien français l’a appris uniquement à l’école. Il n’a jamais pu aller à l’étranger. Là ou chez nous, dans les hôtels, restaurants, magasins (d’Etat), musées, une personne ferait l’affaire, là-bas il y en a 4 ou 5. Partage du travail peut être compréhensible et même judicieux dans un pays où il est rare, même si officiellement il n’y a pas de chômage. Partage qui semble joyeux et sympathique, bienveillant, contrairement à l’ambiance tendue que nous avions ressentie en Russie soviétique. Il est vrai qu’à Cuba il y a le soleil et la musique ! Ce n’est pas la toundra sibérienne.
Quel avenir, pour les jeunes ? Comme notre guide, cultivé, intelligent, sympathique, ouvert (semble-t-il ) mais méfiant, soupesant avantages et inconvénients d’une libéralisation et ouverture trop grande et rapide. Lucidement -et je pense sincèrement- ils craignent de perdre leurs avantages (éducation, santé, minimum garanti) sans savoir ce qu’ils gagneraient.
“A Cuba on ne ressent pas d’insécurité”
Les médias ( 5 chaines d’Etat, dont plusieurs éducatives) ne doivent pas manquer de leur montrer les excès du libéralisme occidental : violence, extrême pauvreté, SDF dans nos quartiers et villes. A Cuba on ne ressent pas d’insécurité. La prostitution ? Elle nous a semblé discrète : quelques très jeunes femmes dans un hôtel qui manifestement n’étaient pas des touristes… Mais le guide nous a dit avec franchise que si on sortait le soir (ce que personne de notre groupe n’a fait) dans les bars et les rues où se rassemblent les cubains et les jeunes, les occasions ne manquent pas.
Du temps de Batista, Cuba était considéré comme “le bordel de l’Amérique”, maintenant avec la diffusion exponentielle du tourisme ce serait devenu “le bordel du monde “! Est-ce vraiment un progrès ? Certains étrangers, âgés viennent aussi retrouver, régulièrement et entretenir de jeunes et belles personnes. De fait dans un hôtel-club de bord de mer où nous avons passé un peu de temps on a vu des couples bien disparates.
Les touristes viennent des pays d’Amérique Latine, du Canada, des pays européens. Nous avons croisé des ressortissants des Etats-Unis. Ils peuvent venir s’ils ont des attaches familiales. Mais on en a vu qui ne semblaient pas avoir de racines cubaines. Ils peuvent se débrouiller et sont les bienvenus s’ils amènent des dollars. Même si leur monnaie, comme l’euro n’est guère prisée dans les commerces, mais facile à convertir en CUC la monnaie officielle (égale à l’euro), distincte du peso, du commun du peuple qui a nettement moins de valeur.
“Les routes et autoroutes loin d’être des tapis mousse. Pas d’usines, sinon des distilleries de canne à sucre.”
J’ai lu que 8 milliards d’euros suffiraient à faire démarrer l’économie. C’est à la fois beaucoup et très peu, à notre échelle (combien cela fait d’Airbus iraniens ?) pour démarrer peut-être mais pas pour développer vraiment l’économie. Ne serait-ce que vu l’état des infrastructures. Je pense à ce chemin de fer délabré où une ligne allant de l’ouest à l’est, sur 1.200 km, qui a existé, serait pourtant la bienvenue. Les routes et autoroutes loin d’être des tapis mousse. Pas d’usines, sinon des distilleries de canne à sucre. Mais elles sont passées de 150 à 50. De grands commerces et mêmes des petits au compte-goutte.
On ne pourra échapper à la question des droits de l’homme. Il existe une opposition étrangère avec une femme battante. J’ai consulté leur site : sans concessions. Des milliers de cubains sont actuellement bloqués au Costa Rica voulant fuir leur pays et cherchant l’asile. Le paradis de la Revolucion, affiché partout avec les mausolée et monuments des héros (celui du Che à Santa Clara), Marty le Père fondateur, etc., avec des grands panneaux colorés : justice, liberté, démocratie, peuple, égalité, ne semble pas du goût d’un grand nombre, quand même !
Pour conclure sur une note plus positive, signalons l’importance de la culture, la musique, bien sûr, le ballet national réputé, la sculpture et peinture partout exposés. Les artistes de rue apprécient les vieilles voitures et le riche patrimoine hispanique (encore trop souvent délabré). Souhaitons un avenir de liberté, et de bien-être , mais aussi d’équilibre et de mesure à ce sympathique peuple que nous avons appris à connaître et aimer.
Michel Normand, pour le texte, Odette Normand, pour les photos.