François Morin, professeur d’économie émérite de l’université Toulouse 1, est venu présenter les scénarios alternatifs possibles face à la crise économique, financière et écologique actuelle à l’université d’été des Amis de La Vie. Selon lui, les Etats doivent retrouver leur souveraineté monétaire.
Quels sont les dangers d’une perte de contrôle de leur souveraineté monétaire par les Etats ?
Aujourd’hui, la création monétaire est orchestrée par les banques centrales et privées. Les Etats n’ont plus la souveraineté sur les taux de change et les taux d’intérêt qui sont soumis à la loi de l’offre et de la demande. Cela pose toute une série de problèmes auxquels la création de produits dérivés – investissements moins soumis à la variation des taux de change et taux d’intérêt – a tenté de répondre. Une immense entreprise de produits dérivés s’est ainsi développée, faisant l’objet d’une crise systémique depuis le milieu des années 1990. Censés stabiliser le système monétaire et financier, ils sont éminemment spéculatifs et responsables de crises de plus en plus graves. Il faut un retour du politique dans la formation de ces deux taux dans la création monétaire.
Comment les gouvernements peuvent-ils reprendre la main sur la monnaie ?
Il faudrait convoquer une grande conférence monétaire internationale à l’image des accords de Bretton Woods en 1944 afin de reprendre l’idée keynésienne de monnaie commune, le BANCOR. Le projet avait échoué car les Américains considéraient déjà le dollar comme monnaie internationale. D’autre part, il faut aller au-delà des solutions locales au regard d’un monde globalisé. C’est aux Etats de prendre conscience des forces collectives afin que le politique reprenne le pouvoir face au marché.
À l’exemple du referendum grec, en quoi est-il nécessaire que la population intervienne sur les questions monétaires ?
Le gouvernement Tsipras a pris conscience qu’il ne pouvait pas résoudre seul les questions relatives à la crise face aux institutions européennes. C’est relativement nouveau en Europe que le peuple soit invité à s’exprimer. Depuis la signature du Traité de Maastricht en 1992, il n’a été consulté au niveau européen qu’une seule fois, en 2005. Le geste de Tsipras est inattendu, ce qui rend la situation plus compliquée à gérer par le Conseil Européen. Il n’est possible de sortir de la crise que par le bas, c’est pourquoi l’intervention des peuples est essentielle.
Fanny Hugues et Antoine Pousset