Au FSM de Tunis, Chantal Jarre a écouté des militantes au courage contagieux. Elle nous raconte le combat d’une Amazigh pour les droits de son peuple, celui des grands-mères aborigènes contre le vol de leurs enfants et l’engagement d’une Japonaise qui déconstruit les mensonges de l’industrie nucléaire.
Nous savions déjà que l’Afrique « tenait debout » grâce aux femmes. Nous avions déjà entendu Aminata Traoré qui de sa stature d’ancien ministre et de militante soutenait, maintenant encore, les mouvements de libération africains. Nous avions assisté à “l ‘Assemblée des femmes” qui avait failli se terminer en pugilat par drapeaux interposés entre les Saharouies et les Marocaines. Nous avions assisté à l’atelier sur les violences contre les femmes en période de transition et de conflits, nous avions lu les textes qui nous demandaient ce que cela signifie d’être née femme dans ce monde…
Oui, certes, nous avions compris tout cela. Et nous aurions pu légitimement être prêtes à nous battre ou alors à sombrer dans une mélancolie fataliste, tant les difficultés des femmes dans le monde sont lourdes, jusqu’à nous assommer…
Et puis nous avons rencontré cette femme Amazigh
Elle nous a raconté avec ferveur, avec passion, avec foi sa lutte pour son peuple « les Amazighs ». Le Congres Mondial Amazigh veut dénoncer le déni, la marginalisation, l’oppression et les violences exercées par les gouvernements du Nord de l’Afrique sur les Amazighs, peuple autochtone de cette région. La Constitution tunisienne ? Elle occulte totalement la dimension historique, culturelle, linguistique amazigh de ce pays. En effet, l’article 5 confirme que « la République tunisienne fait partie du Maghreb arabe, œuvre à la réalisation de son unité, et prend toutes les mesures nécessaires à sa concrétisation. » Pas un mot, pas une référence à l’amazighité ancienne et actuelle de la Tunisie. Une façon d’enterrer vivants les centaines de milliers d’Amazighs de ce pays.
Cette jeune femme Amazigh de la Kabylie algérienne nous disait que sa mère ne comprenait pas un mot d’arabe… Et fut si heureuse de savoir que sa fille avait participé à la marche des peuples contre le terrorisme à Tunis, avec le drapeau amazigh !
Alors, elle nous a donné un peu de son courage !
Pour plus de renseignements : rendez-vous sur le site du Congres Mondial Amazigh.
Et nous avons participé à l’atelier des « Grand-mères » aborigènes
Les visages magnifiques et graves de ces femmes nous avaient intriguées. Et leur témoignage nous a indigné ! Après leur intervention, 20 secondes au moins de silence puis des applaudissements nourris d’une immense compassion. Depuis des années, le gouvernement australien vole ni plus ni moins les enfants aux familles aborigènes par agences de “protection des enfants” interposées.
Dans les traditions aborigènes, les enfants sont élevés par les grand-mères. Et les larmes qui accompagnaient les paroles de ces femmes, témoignant de leur peine et de leur indignation, n’étaient pas feintes !
Il y a actuellement 15000 enfants autochtones dits « hors des soins à domicile » , c’est-à-dire soustrait à l’influence de familles aimantes et autochtones.
Cela fait 7 ans que le Premier ministre Kevin Rudd a présenté ses « excuses » pour les enfants volés au XX eme siècle, excuses remplies d’hypocrisie puisque sous son gouvernement les vols ont encore amplifié ! Il y a donc toujours un projet « d’assimilation forcée » et d’assujettissement à la pauvreté. Ceci est assorti, faut il le préciser, de spoliation de terres, sans aucun doute riches en divers minerais. Voici, ci-dessous leurs revendications :
« Il faut mettre fin au système de “déclaration obligatoire” qui crée une culture de la peur et de la méfiance à l’école, de la santé et des services sociaux dans nos communautés en raison d’une avalanche de rapports de travailleurs qui fabriquent des hypothèses racistes sur nos familles.
Nous exigeons la mise en œuvre nationale complète de la Convention de 1948 sur le génocide dans la législation australienne en abrogeant l’article 268,121 et 268,122 de la Cour pénale internationale (modifications corrélatives) de la Loi de 2002, afin de permettre un défi à la destruction de notre religion, la culture, les lignées et les communautés par l’enlèvement forcé des enfants et la création de conditions de vie définies de détruire le groupe en tout ou en partie.
Nous lançons un appel à tous les travailleurs et les organisations qui ont des contacts avec «protection des enfants» à venir à l’appui de notre lutte. Nos enfants sont retirés des écoles, des hôpitaux, terrains de jeux et les maisons à travers l’Australie. Vous DEVEZ refuser de coopérer avec cette masse enlèvement de nos enfants. Vous pouvez aider à reconstruire les organisations contrôlées par la collectivité qui sont nécessaires pour faire face à des problèmes dans nos collectivités.
Nous appelons à des actions de solidarité internationale contre l’oppression coloniale continue des peuples autochtones en Australie, que les gens ont combattu l’apartheid en Afrique du Sud – boycott, désinvestissement et sanctions. Le gouvernement australien a engagé des troupes aux missions dites “de maintien de la paix” à l’étranger, mais nous avons besoin d’une force internationale de volontaires SUR LE TERRAIN ICI pour nous protéger de la guerre en cours sur nos communautés.
Notre prochaine journée d’action sera “National Sorry Day”, le 26 mai Nous nous mobiliserons à nouveau Journée universelle des enfants en Octobre. Nous avons besoin de gens à se joindre à nous à des manifestations dans vos milliers. Les travailleurs des organisations de protection autochtones et les enfants doivent arrêter de travailler et montrer leur solidarité avec notre lutte.
Nous continuons avec notre lutte jusqu’à mettre fin au système de “déclaration obligatoire” qui crée une CULTURE DE LA PEUR et de la méfiance à l’école, de la santé et des services sociaux dans nos communautés en raison d’une avalanche de rapports de travailleurs qui fabriquent des hypothèses racistes sur nos familles. Honteusement, beaucoup de nos propres organisations autochtones sont liés dans ce régime de déclaration, appliquées par des accords de financement et de la législation draconienne.
Nous lutterons jusqu’à ce que tous nos bébés soient à la maison. »
Elles aussi nous ont donné un peu de courage !
Pour plus de renseignement : rendez-vous sur ce site de soutien (en anglais).
Touchées, indignées, pas encore engagées mais emplies de curiosité, nous avons continué et nous avons entendu :
Le témoignage de Masumi Kowata
Masumi est une japonaise qui habite la commune de Ookuma-machi. Sur cette commune trônait la centrale de Fukushima Dalichi et Tepco y régnait en empereur. Il était impensable de dire du mal de Tepco sinon plus d’argent, plus de travail, voire plus de maison ! 11 mars 2011 séisme et tsunami. Confiance et sentiment de sécurité envers la centrale pulvérisés. Les habitants s’enfuient .
Les malins amadouent leurs supérieurs et vont travailler au siège à la Préfecture. Les autres, ils sont rappelés pour… travailler , recevoir des irradiations… Depuis 4 ans, la situation s’est dégradée de manière terrible, mais surtout ne pas en parler!! Suicides, dépressions multiples. Ceux qui ont de l’argent partent, les plus pauvres restent. Quelques chanceux ont des « logements de reconstruction », inadaptés à des gens qui étaient en village. Interdiction d’animaux alors qu’ils étaient villageois avec un peu de cheptel.
On constate de plus en plus d’anomalies chez les enfants. Tous les réacteurs ont leur cuve percée, mais ne pas le dire. L’eau est contaminée. Et la commune dit aux habitants de revenir pour reconstruire. Et le gouvernement et Tepco affirment sans vergogne que la vie des êtres humains ne compte pas quand on gagne de l’argent avec le nucléaire. Si l’accident nucléaire survient, utilisez les habitants de la région pour leur faire exécuter le sale boulot. Pour que l’entreprise elle même ne pâtisse pas des dégâts causés, coupez leur le lien avec le siège social et faites les travailler loin de nous. L’important n’est pas la vie humaine, on s’en fout de la vie des gens, l’important, c’est l’énergie et l’argent qu’on gagne grâce à cette énergie !
Les employés qui ont « dépassé » la dose reçue maximale autorisée sont mutés dans d’autres centrales et sont très mal accueillis par le personnel « à cause de vous et de Fukushima , on doit s’excuser tous les jours ! » Les maires de ces communes incitent les gens à retourner y habiter, malgré le niveau très élevé de radioactivité et les dépenses faramineuses pour la décontamination… car ils reçoivent de l’argent de l’Etat pour cela . Quand on a goûté au fruit de ce mécanisme il est difficile de l’abandonner et pourquoi diable se soucier de leurs administrés… Bref , la centrale est symbole de la science et aussi une machine de mort
Après le tsunami, la vie n’est plus possible et Masumi Kowata nous a montré avec son cœur et sa raison que vivre est plus important que toucher la monnaie de Tepco !
« Arrêtons les centrales nucléaires. Nous n’en voulons plus, nous refusons vigoureusement le nucléaire qui ne doit pas fonctionner au prix de notre santé et de nos vies ! », revendique Masumi Kowata.
Et notons que c’est Chico Whitaker, l’un des fondateurs du FSM, présent pendant les deux sessions consacrées au nucléaire, qui est en train de rassembler tous les volontaires pour une réflexion à un processus devant amener à un Forum Mondial sur le Nucléaire, au Japon ou ailleurs.
Là aussi , nous avons pu avoir un peu plus de courage !
Nous remercions de tout cœur ces femmes pour leur foi et leur détermination … contagieuses !
Chantal Jarre