En parallèle de son métier d’éditorialiste, le directeur de rédaction de La Vie, Jean-Pierre Denis, est poète. Son dernier recueil Me Voici forêt est à paraître cet automne aux Éditions du Passeur. Rencontre.
Pouvez-vous nous présenter votre recueil ?
C’est un très grand travail délirant que j’ai commencé il y a quelques années. Je m’intéresse aux arbres. J’aime planter des arbres, regarder les arbres, j’aime que les arbres nous parlent. Mon envie était d’écrire sur tous les arbres et sur le rapport entre les arbres et les éléments : la pluie, le vent, les étoiles… Je voulais écrire sur les arbres et finalement j’ai planté une forêt ; je l’ai plantée en poésie, en forme de quatrains.
Il y a mille cent quatrains. Je croyais écrire sur les arbres et finalement j’ai écrit sur l’être humain. L’arbre est la métaphore de l’homme. On parle souvent de nos racines, on se demande si ce qu’on fait aura du fruit… En écrivant sur les arbres, j’ai écrit sur moi. C’est en réalité une forme d’autobiographie et à la fois un écrit sur l’Homme. Le recueil est classé par type d’arbres. C’est un recueil un peu fou qui ne ressemble pas du tout à un recueil de poèmes classiques.
Concevez-vous un lien entre votre activité poétique et votre métier de journaliste ?
La poésie échappe aux logiques économiques et commerciales. On me dit souvent que c’est le prolongement de mon activité de journaliste. En réalité, je ne le conçois pas du tout ainsi. Ce qu’il y a en commun, évidemment, ce sont les mots. Mais ce sont des activités très différentes. Je ne vois pas de rapport entre mon métier de journaliste et l’écriture poétique. La poésie au contraire du journalisme n’a rien d’un combat. En poésie, on n’a rien à obtenir mais quelque chose à dire. Je suis réellement dans une démarche artistique. Je me trompe peut-être mais je ne fais pas le lien.
Quelle est votre position par rapport au paysage de la poésie française actuelle ?
Je vais vous répondre en faisant un détour par une anecdote. Je suis un jour entré dans une libraire et je me suis rendu au rayon poésie. Puis, je suis allé voir le directeur de la libraire et je lui ai dit : “Votre rayon poésie est très différent de votre rayon philosophie et de votre rayon littérature : tous les auteurs sont morts”. Il y a beaucoup de poètes aujourd’hui mais il trouvent difficilement les lieux pour être diffusés, lus, connus.
Dans les années 1970, on a produit une poésie assez absconse, en rejetant le lyrisme. On est en train d’en revenir. J’essaie personnellement de retrouver une école qui peut sauver la poésie en la rendant accessible au public. Une certaine école de la simplicté qui rejoint la poésie de René Guy Cadoux, de Jean tardieu, de Guillevic. Une simplicité qui n’a jamais été perdue dans la poésie japonaise et qui ne signifie pas pour autant qu’il n’y a pas quelque chose derrière la première lecture. On peut percevoir immédiatement quelque chose, avoir du plaisir à la lecture, avec à la fois une profondeur qui se découvre à la seconde lecture.
Pour moi, la poésie, c’est la vie. C’est être dans une capacité de recevoir, de recevoir la vie. J’ai commencé à planter une forêt puis à marcher dans cette forêt, sans savoir où j’allais ; et tout m’a été donné. Je crois que c’est d’abord quelque chose qu’on accueille. Je crois qu’il existe une intelligence poétique. L’homme est un animal poétique. Cette capacité à l’imaginaire a cependant été atrophiée par le matérialisme. Je pense qu’on ne peut pas vivre sans poésie.
Propos recueillis par Quentin Martignoni