Création et héritage : le mémorial international de Notre-Dame-de-Lorette

Lundi 11 juillet, Les Amis de la Vie ont eu l’honneur d’accueillir l’architecte Philippe Prost, créateur du mémorial international « l’Anneau de la mémoire ». Il a partagé avec les abonnés toutes les étapes de son projet : une soirée d’exception.

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© Daniel VILLAFRUELA.

Pour le centenaire de la Première Guerre mondiale, le 11 novembre 2014, le président de la région Nord-Pas-de-Calais a mis la barre très haute. Il a organisé un concours d’architecture afin de construire un immense monument destiné aux soldats tombés au combat. Philippe Prost et son « Anneau de la Mémoire » l’ont emporté haut la main face à cinq autres concurrents.

L’édifice occupe aujourd’hui un pan de la colline de Lorette, au côté de la nécropole nationale. Dans ce projet rien n’a été laissé au hasard. Du site de construction à la police des noms, l’architecte, entouré d’une imposante équipe, a réalisé le premier monument aux morts mondial. Du jamais vu !

600 000 noms

L’œuvre de mémoire crée un lien intangible entre le passé et le présent. « Ça me fait beaucoup penser à l’œuvre de Tolkien, spécialement quand Aragorn appelle l’armée des morts. On voit vraiment là le lien entre les vivants et les morts, entre guerre et paix », commente Bernadette Puijalon, anthropologue à l’initiative de la venue de Philippe Prost. L’idée était de réunir tous les noms des soldats morts sur ce territoire marqué d’histoire.

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© Carolin Hahnemann

Au total, plus de 600 000 noms de 42 nationalités différentes. Bien plus qu’un monument aux morts, ce lieux se veut défenseur de paix. « C’est vraiment pour dire plus jamais la guerre », explique Philippe Prost.

Le site est chargé d’histoire. La colline de Lorette a été foulée et terrassée en majorité par des soldats Français, Britanniques et Allemands. Depuis 1925, s’y trouve déjà la nécropole nationale rassemblant 45 000 morts. Mais le projet de la région dépasse ce cadre national. Il se veut international et rassemble tous les soldats tombés dans ces deux départements, sans distinction de nationalité ou de grade.

À la manière d’un livre ouvert

« Quand j’ai commencé les croquis, j’avais vraiment envie de créer un lieu où chacun pourrait deviner tous les noms d’un seul coup d’oeil. » Le monument a donc pris une forme elliptique, où les noms sont rassemblés sur de grands panneaux de 3 mètres de haut. Yves Le Maner, historien spécialiste de la Grande Guerre, a effectué tout le travail d’archives. Il a recueilli les 600 000 noms grâce à des partenariats avec 42 pays. « C’était vraiment gigantesque ! Toutes ces nations qui ont donné de leur temps pour trier par ordre alphabétique les noms des soldats morts à cet endroit là, à cette période. »

Le monument se fond complètement dans le paysage, « j’ai souhaité garder la ligne d’horizon sans m’adapter complètement à la colline pour montrer la fragilité d’une telle construction. » En effet, l’anneau de la mémoire est en partie suspendu dans le vide pour laisser l’accès libre aux randonneurs et visiteurs.

Avec plus de 1 200 noms par panneau, il fallait vraiment être ingénieux pour que l’édifice ne soit pas illisible. « Je ne voulais pas que les gens aient cet effet de sidération en voyant tout ces noms. » Les 500 panneaux ont ainsi étaient disposés à la manière d’un livre ouvert pour accueillir chaque visiteur à le lire. « L’écriture a été pensée pour être lue de jour comme de nuit. Il y a eu tout un travail sur la police et la lumière. » Une police de caractères au nom de Lorette a même été créée. L’architecte a terminé sa présentation sur une note poétique avec la citation de l’architecte Jacques-Denis Antoine : « Les beaux arts ont ceci de particulier que les hommes s’y créent eux-mêmes ».

Anne Villard