Jo Spiegel : « le maire est un ouvrier du vivre ensemble »

jo-spiegelMaire de la commune Kingersheim, en Alsace, Jo Spiegel, 64 ans, défend la démocratie participative et co-produit ses décisions avec ses administrés. Il a participé à une table ronde sur la politique et la société civile au cours de l’université d’été des Amis de La Vie à Agos-Vidalos près de Lourdes. Rencontre. 

 

Dans votre commune, vous avez supprimé les inaugurations officielles et les réunions de quartier. Vous tirez au sort les étudiants que vous embauchez pour l’été. Vous avez également refusé la légion d’honneur. Pourquoi ?

Retrouver la promesse démocratique, c’est d’abord une attitude et un être à l’autre. Pour beaucoup de nos concitoyens, les élus sont dans le hors-sol ou dans l’entre-soi. Dans la société, il y a une soif d’égalité de plus en plus grande. Les élus doivent changer de paradigme et de comportement. Ils doivent être humbles, simples et modestes. Ca ne coûte rien.

“La démocratie exigeante est l’antidote de la démagogie et du populisme.”

Jo Spiegel dédicace son livre « Faire (re)naître la démocratie », à l'université d'été.
Jo Spiegel dédicace son livre « Faire (re)naître la démocratie », à l’université d’été.

 

Pour vous, quel est le rôle d’un élu local ?

Le maire doit, bien-sûr, gérer l’argent public et créer  des équipements. Le maire est aussi un animateur du débat public, un ouvrier du mieux vivre ensemble. Aujourd’hui, en France, nous sommes dans la délégation permanente du pouvoir. Nous sommes dans une forme d’assistanat civique. Dans ma commune, j’essaye d’associer les habitants aux décisions que nous devons prendre. Embarquer les gens dans un tel cheminement, c’est faire grandir la société. Nous créons de l’intelligence collective. La démocratie exigeante est l’antidote de la démagogie et du populisme. Nous ne sommes pas face-à-face mais côte-à-côte. Nous sommes dans de la co-production. Je pense que l’utopie d’un monde meilleur doit se traduire dans la citoyenneté et la politique.

“Autrefois, notre commune était une ville dortoir. Désormais, elle est synonyme d’éducation, de culture et de démocratie.”

Quels changements observez-vous dans la durée ? Les électeurs se rendent-ils davantage aux urnes ? Et quid du vote FN ?

À Kingersheim, aujourd’hui, les abstentionnistes sont aussi nombreux qu’ailleurs. De même pour le vote frontiste. Cela m’interpelle. Mais il faut donner du temps au temps. Nous inscrivons notre travail dans la durée. La confiance des habitants est évidente. Nous avons également progressé en terme de qualité démocratique. Autrefois, notre commune était une ville dortoir. Désormais, elle est synonyme d’éducation, de culture et de démocratie. Beaucoup de municipalités nous interrogent ou viennent nous voir. Nous avons encore beaucoup de travail. Car nous n’avons pas touché assez de monde. Prochainement, nous allons lancer l’agora 2015-2020, une sorte d’assemblée hybride qui anime les consultations démocratiques.

Propos recueillis par Céline Tissot et Paul-Luc Monnier

Qui est Jo Spiegel ?

Ancien professeur d’éducation physique et sportive, Jo Spiegel, 64 ans, est le maire de Kingersheim, une ville péri-urbaine de 13.000 habitants, près de Mulhouse, dans le Haut-Rhin (68). « Homme de gauche », il a quitté le parti socialiste en mars 2015 « pour être plus libre », explique-t-il.

Etats généraux

En 2004, Jo Spiegel lance les états généraux permanents de la démocratie (EGPD), une sorte d’olympiades de la démocratie pour construire une grammaire démocratique exigeante.

Conseils participatifs

Dans la foulée, l’édile lance des conseils participatifs qui réunissent élus, experts et habitants. C’est une première en France. « Chacun est co-producteur de la décision car co-propriétaire de l’intérêt général », dit-il.

Maison de la citoyenneté

En 2006, l’élu décide de construire une maison de la citoyenneté dédiée aux pratiques démocratiques. On y vient pour débattre, élaborer et discuter.

Livre

Réélu en 2014 (60 % des suffrages) pour un cinquième et dernier mandat, Jo Spiegel a aussi écrit un livre, « Faire (re)naître la démocratie », (Chronique Sociale, 2013).